Œuf cage : notre vision est de très court terme !

Jean-Michel Thépaut, nous l’avions rencontré en mars 2011. Après de longues réflexions, il avait finalement décidé d’investir largement dans l’œuf cage en construisant un bâtiment neuf de 102 000 poules avec son associé Rémi Boulch.

« Nous n’avions de toute façon pas le choix, c’était la condition pour continuer à travailler ! » se souvient-il. « Nous étions pourtant frileux, car investir 2 millions d’euros, ce n’était pas rien. »

Six ans plus tard, les deux associés sont toujours en activité. Ils ont mis un bon trimestre pour apprendre à maîtriser complètement leur outil de production, en particulier au niveau de la ventilation, mais tout est vite rentré dans l’ordre. Entre 2013 et 2014, ils ont souffert de la crise économique. Toutefois les difficultés que certains pays comme les États-Unis ont rencontré ont eu un effet positif sur leur activité.

Aujourd’hui, ils ne comprennent pas la décision de la GMS de vouloir arrêter la distribution d’œufs de code 3. « En 2011, il n’y avait pas de débouché pour l’œuf alternatif. On nous a poussé et incité à investir largement dans la production d’œufs standards. Nos outils sont des plus performants et répondent en tous points à la norme européenne sur le bien-être animal. Tout cela arrive bien trop brutalement par rapport à notre capacité financière, nos prêts courent jusqu’en 2025 ! »
Et pourtant, les éleveurs ont déjà anticipé les choses : « notre politique aujourd’hui est de nous désendetter au maximum dès que nous le pouvons pour pouvoir être prêt à réinvestir le plus rapidement possible. Mais on s’interroge pour demain. »

À 52 et 53 ans, les deux éleveurs sont désormais dans une logique de transmission de leur outil de production. Sachant qu’ils n’ont qu’un seul atelier de cages aménagées, s’il est bien entretenu et compétitif, ils ont conscience qu’il va être délicat de trouver un repreneur, surtout qu’ils sont situés dans le Finistère, une région plutôt légumière. « Nous sommes victimes d’un phénomène de société et avons énormément perdu en valeur d’élevage. Ici, les terrains se font de plus en plus rares. C’était d’ailleurs aussi pour cette raison, du fait de la pression foncière, que nous avions choisi d’investir dans l’œuf cage. Aujourd’hui, ce serait vraiment du grand n’importe quoi de priver un jeune souhaitant s’installer en production légumière en lui prenant de la terre pour y mettre un atelier hors-sol ! »

Et d’ajouter : « Qu’allons-nous faire demain de tous ces bâtiments ? D’ici deux ans, nous aurons une meilleure capacité financière pour commencer à réinvestir. Mais pour faire quoi ? De l’œuf alternatif ? Aujourd’hui, qui peut dire que nous n’allons pas reproduire le même schéma qu’en 2011 ? »

Jusqu’à présent, les éleveurs s’en sont toujours bien sortis, et n’ont pas encore été pénalisés, notamment parce qu’ils calibrent eux-mêmes leur production. Mais ils ne cachent pas leur inquiétude. « Notre retraite se fait sur la vente de nos capitaux. Vu le contexte actuel, même si notre trésorerie s’est améliorée ces dernières années, il évident que demain, notre outil de production vaudra plus rien. On s’accroche et on veut garder le moral, il le faut, mais notre vision est de très court terme, et si rien ne se passe, nous dans le mur ! »

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