Après avoir fait trembler les pays nordiques tout au long du mois de juillet, le scandale des œufs contaminés à l’insecticide fipronil éclate en France. Le ministère de l’agriculture a annoncé, lundi 7 août, que treize lots d’œufs contaminés en provenance des Pays-Bas y avaient été livrés “entre le 11 et le 26 juillet“. Une nouvelle d’autant plus fracassante que l’hexagone fait figure de client fidèle. Avec 216 œufs par an et par habitant contre 200 en moyenne dans le reste de l’Union européenne, les Français font partie des consommateurs d’œufs les plus gloutons.
Deux établissements de fabrication de produits à base d’œufs, dans la Vienne et Maine-et-Loire seraient concernés. “Pour l’un des établissements, on parle de 30 000 œufs et pour l’autre de 200 tonnes d’ovoproduits obtenus à partir de l’œuf et de ses composants, une fois qu’on a éliminé la coquille et les membranes“, a précisé Fany Molin, porte-parole du ministère de l’agriculture à Franceinfo.
Pour l’instant, aucun œuf contaminé ne semble avoir été directement mis en vente dans les supermarchés en France. Le ministère explique que “les autorités françaises n’ont pas, à ce jour, d’informations de contamination d’œufs en coquille et de viande destinés à la consommation“. Quid des œufs livrés aux deux entreprises de fabrication d’ovoproduits cités plus haut ? Pas d’inquiétude à avoir selon Fany Molin, qui s’exprime cette fois-ci dans les colonnes du Parisien : “les établissements ont stoppé l’utilisation de ces œufs et sont en train de mener une enquête de traçabilité pour identifier les produits concernés, leur destination et si des produits utilisant des œufs contaminés ont déjà été commercialisés.” Avant de reconnaître que l’enquête la dépasse quelque peu : “les établissements de transformation ont plusieurs fournisseurs, plusieurs recettes de plats ou pâtisseries à base d’œufs et plusieurs circuits de commercialisation…” Autrement dit, l’enquête s’avère complexe.
Sécurité renforcée
La politique du risque zéro semblait pourtant de mise, plus particulièrement depuis 2005 et l’entrée du principe de précaution au sein de la Constitution. Pour rappel, contre toute réalisation capable d’affecter l’environnement, les autorités doivent agir. Témoin de la rigueur de la procédure, un élevage du Pas-de-Calais, placé sous surveillance depuis 28 juillet après le signalement par l’éleveur de l’utilisation du fameux insecticide par son fournisseur belge. Cependant, aucun œuf issu de cet élevage n’a été mis en vente. Ledit élevage étant actuellement soumis à une analyse, les résultats ne seront connus qu’à la fin de la semaine.
Toujours dans l’optique de rassurer les consommateurs, les éleveurs néerlandais sont passés à la vitesse supérieure : plus de 300 000 poules traitées au fipronil ont été abattues. Et les autorités des Pays-Bas promettent un plan d’aide d’urgence en dépit de pertes déjà équivalentes à plusieurs millions d’euros…
Des risques relatifs
L’insecticide fipronil est la cause directe du scandale alimentaire. Utilisé pour lutter contre les puces, tiques, poux et acariens des poules pondeuses, il est prohibé sur tout animal destiné à la consommation humaine. Un produit nocif pour l’homme puisque capable d’effets néfastes sur les reins, le foie et la thyroïde.
Toutefois, la molécule insecticide n’est jugée que “modérément toxique” même si elle est présente en grande quantité, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un tapage médiatique qui n’aurait pas lieu d’être ? C’est du moins ce que semble affirmer le ministère de l’agriculture et de l’Alimentation. “La présence de traces de fipronil ne constitue pas, en soi, un risque, assure l’organisme via un communiqué. Seules les analyses engagées permettront de déterminer si le niveau de contamination de ces produits est susceptible de présenter un risque pour la consommation.”
Une idée de danger moindre donc, confortée par Fany Molin dans le même entretien accordé au Parisien : “Il peut y avoir un risque à moyen ou long terme si l’on consomme régulièrement des produits ayant un niveau important de fipronil. Mais il n’y a pas de risque de s’empoisonner en mangeant une brioche qui en contiendrait des traces.” Les autorités sanitaires se veulent un peu plus précises : interrogées par Franceinfo, elles relèvent qu’un adulte pourrait consommer jusqu’à sept œufs contaminés par jour sans risque, contre un seul pour un enfant.
Une crainte franco-française
Mais alors pourquoi pareil pataquès ? Selon Jocelyn Raude, sociologue à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), la virulence des réactions serait typiquement franco-française : “les Français sont très attachés à la qualité de leur alimentation. Il y a une exigence qu’on ne retrouve pas ailleurs, c’est inscrit dans notre culture”. Avant d’aborder le cas particulier des pesticides, menace alimentaire ultime des sociétés contemporaines : “Les pesticides sont à l’heure actuelle le risque qui inquiète le plus les populations occidentales. Alors que les effets sont relatifs et sans commune mesure avec d’autres risques comme la surconsommation de sucre ou de sel !“