Pas de Fipronil dans les rayons œufs de nos supermarchés
Le consommateur a parfois du mal à garder le sens des grandeurs et des proportions. Chaque français ingère de l’ordre de 220 œufs par an, ce qui, cumulé, fait tout de même une consommation nationale annuelle de 15 milliards d’œufs ! C’est l’équivalent de la production de nos 47 millions de poules nationales. Nos achats à l’étranger sont donc très faibles (8 % du total, de même que nos exportations). En effet chaque famille française de 4 personnes dispose (virtuellement et en gros) de 3 poules sur le territoire national.
Ce n’est pas le cas des allemands ou des anglais, qui n’en ont que 2, et qui de ce fait importent beaucoup (40 % de la consommation allemande). Quand-aux Pays-Bas, un pays qui a beaucoup développé l’élevage industriel, et où chaque famille dispose virtuellement de 8 poules, ce sont de gros exportateurs, et justement en l’occurrence le problème vient de chez eux !
Nos quelques exportations concernent essentiellement l’agro-industrie qui est toujours à la recherche de centimes à gagner pour pouvoir nous vendre les pâtes, quiches, mayonnaises ou crèmes anglaises que nous voulons acheter le meilleur marché possible. On peut d’ailleurs observer qu’à ce stade, aucun retrait d’œufs « en coque » n’a été fait dans aucun magasin.
Dans le cas présent, la présence de traces de Fipronil ne concerne que les poules élevées en cages qui ont été désinfectées à l’aide de ce produit ajouté frauduleusement aux mélanges désinfectants « classiques » (avec du menthol et de l’eucalyptus pour neutraliser son odeur), dans le produit DEGA 16 de la société Chickfriend, lequel faisait soudain des miracles contre le pou rouge, véritable fléau des élevages industriels.
Or dans nos magasins alimentaires, la part des œufs de poules « en cage » diminue très rapidement. Nous sommes de plus en plus sensibles au « bien-être animal » et admettons de moins en moins que les poules passent leur vie enfermées dans des cages qui n’offraient à chacune que 450 cm² (l’équivalent d’une feuille de papier), même si les nouvelles normes de 2012 ont porté ce chiffre à 750 cm2 par poule. Des volatiles incapables d’exprimer pleinement leur comportement normal : se promener, picorer, gratter, se percher, pondre dans un nid. Parfois, on leur sectionne même le bec, pour éviter les bagarres.
Dorénavant, nous préférons les œufs de poules en plein air, label rouge ou bios. Certaines chaines comme Monoprix, Atac ou Mac Do ont déjà franchi le pas et banni l’œuf en cage. Intermarché, Carrefour, Lidl, Aldi et Super U se sont engagés à le faire dans les années qui viennent (entre 2020 et 2025). Idem pour les grands de la restauration collective : Compass, Elior et Sodexo, mais aussi de l’hôtellerie : Accor, Hilton, InterContinental et Marriott.
C’est dans les autres rayons qu’on pourrait éventuellement trouver des traces de cet insecticide
Il convient de relativiser ce qui pourrait apparaitre comme une grande victoire des défenseurs des animaux, car la part des œufs vendus directement dans leur coque ne cesse de diminuer dans notre pays. Au fur et à mesure de l’augmentation du niveau de vie, les gens passent de moins en moins de temps à faire de la cuisine et de la pâtisserie, et le marché se déplace vers la restauration et le plat cuisiné. C’est ainsi qu’en France les « ovoproduits », qui ne représentaient que 22 % du marché en 1996, ont dépassé les 40 % en 2016.
De plus en plus d’œufs sont donc livrés à des « casseries » avant d’être achetés sous une forme prête à servir pour la restauration collective (bidons d’omelettes ou d’œufs brouillés prêts à cuire, île flottante et crème anglaise prêtes à servir, etc.) ou les plats tout préparés de l’agro-industrie. Autre tendance : la séparation des différents constituants, vendus ensuite sous forme de poudres élémentaires : il s’agit là d’une véritable industrie chimique, finalement similaire au cracking du pétrole.
Et là, évidemment, on utilise essentiellement les œufs les moins chers, et donc encore à 80 % ceux provenant des cages. En effet les industriels étaient jusqu’à maintenant peu concernés par les pressions citoyennes sur le bien-être animal : va-t-on demander à son boulanger si le jaune d’œuf qu’il utilise pour dorer ses croissants est de plein air, et a fortiori au fabriquant de sa crème dessert ?
Même si on mange quelques œufs avec du Fipronil, il ne se passe rien
Le Fipronil n’est actuellement interdit que pour les animaux destinés à l’alimentation humaine. C’est un produit couramment utilisé, pour les autres animaux, comme les chiens et les chats, en application cutanée contre les puces, tiques et poux, sous le nom Frontline. Autant dire que le principal danger pour l’homme de ce produit consiste à caresser son animal familier sans se laver les mains après, ce que font tous les jours nos enfants ! Mais il est également très présent dans nos insecticides domestique contre les cafards, moustiques, sauterelles !
Mis au point par le français Rhône-Poulenc en 1987, il a été revendu aux allemands Bayer, puis BASF, qui l’a utilisé comme enrobeur de semences de maïs sous le nom Régent, lequel a été accusé de décimer les abeilles voisines, puis provisoirement interdit en France en 2004 et 2005.
Les œufs incriminés n’en contiennent qu’une dose infime, celle qui a percolé à travers la peau de la poule pour rejoindre son « oviducte ». Autant dire que qu’on ne peut pas ressentir d’effets en mangeant une omelette ! Les experts parlent de dizaines de milliers d’œufs qu’il faudrait ingérer pour avoir des effets sensibles délétères pour les reins, le foie et la thyroïde !
Comment assurer la sécurité sanitaire et de bons éléments nutritifs
Notons quand même que la production industrielle a quelques avantages ; en particulier une bonne maîtrise de la sécurité sanitaire. La cage, qui représente une négation du bien-être animal, reste néanmoins une excellente solution contre les maladies, lesquelles, lorsque l’animal est en groupe et au sol, se propagent très facilement par la poussière de fientes soulevée en permanence, sans compter le contact possible avec les oiseaux migrateurs porteurs de maladies pour les animaux élevés en plein air.
Cet aspect fait l’objet de recherches importantes, telles celles portant sur l’œuf « Benefic » pour lequel la poule reçoit un complément nutritionnel, composé de végétaux, minéraux et vitamines qui se retrouvent dans le produit final, plus riche en iode, vitamines D, B9 et E, oméga 3, sélénium, lutéine et anti-oxydants. Comme cela n’influe aucunement sur les frais fixes de production (travail de l’éleveur, amortissement du poulailler, transports, emballage, commercialisation, etc.), on obtient des résultats spectaculaires pour une faible augmentation du prix de vente. Il est donc à espérer que ces pratiques finiront par se généraliser.
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