[MAGAZINE PÈLERIN] Malgré une forte pression sociale, l’élevage en cages des poules pondeuses ne sera pas interdit, sauf pour les nouvelles installations. Ce vote des députés, dimanche 27 mai, entend donner à la filière avicole le temps de se réorganiser.
Photo d’illustration. Une poule en cage au Salon de l’Agriculture de Paris en 2015. / Stephane De Sakutin / AFP
Article publié dans Pèlerin n° 7070
La campagne vidéo choc de l’association de défense des animaux L214 contre l’élevage en cages de poules pondeuses et le soutien inattendu de l’actrice Sophie Marceau n’y auront rien fait. Dimanche 27 mai à l’Assemblée nationale, les députés, rassemblés pour voter la nouvelle loi agricole issue des États généraux de l’alimentation, se sont refusés à interdire ce mode d’élevage.
Pas de nouveaux élevages de poules en cage
Onze amendements avaient pourtant été déposés pour réclamer une interdiction progressive entre 2020 et 2028. Mais les députés LREM ont seulement posé un veto à toute nouvelle installation utilisant des cages. Une mesure symbolique : la filière avicole elle-même reconnaît qu’aucun éleveur ne s’engage plus dans cette voie risquée, les consommateurs se portant de plus en plus vers le label « plein air ».
« Interdire l’installation de tout nouvel élevage de poules en cages est une avancée, un signal que la demande des citoyens est entendue, constate Léopoldine Charbonneaux, directrice du CIWF France, association de protection des animaux d’élevage. Mais si l’on considère cette pratique inacceptable pour tout nouvel élevage, pourquoi ne pas fixer une échéance claire pour l’interdiction totale de ce mode de production ? D’autres pays européens le font bien, telle l’Allemagne, par exemple, qui a fixé 2025 comme date butoir. »
Des investissements pour être aux normes du bien-être animal
Emmanuel Macron lui-même, lors de sa campagne électorale, puis dans un discours important à Rungis le 11 octobre 2017, s’était engagé à interdire d’ici à 2022 la vente aux consommateurs d’œufs issus d’élevage en cage ou en bâtiment. Mais la filière avicole a fait valoir ses arguments économiques pour l’en dissuader.
« Nous avons dû investir au total un milliard d’euros pour mettre les cages de poules pondeuses aux normes européennes du bien-être animal, explique Yann Nédélec, directeur de la confédération française de l’aviculture. Or, 43 % de ces investissements auront fini d’être remboursés seulement entre 2024 et 2030. Si l’État interdit la vente des “œufs cages” aux consommateurs, cela revient à leur demander de mettre la clé sous la porte. Nous ne sommes pas contre une transition des élevages, mais à notre rythme. »
Une question d’autonomie alimentaire
Autre argument avancé : la souveraineté alimentaire. Aujourd’hui, selon le comité interprofessionnel, la France est autonome dans son approvisionnement en œufs, aussi bien pour fournir les supermarchés que les industriels et la restauration collective.
« Si demain, on n’autorise plus que les œufs alternatifs à la cage, on devra les importer massivement », explique Étienne Gangneron, en charge du bien-être animal à la FNSEA (Fédération des syndicats d’exploitants agricoles).
L’argument du prix côté consommateur
Enfin, les opposants à l’interdiction ont avancé l’argument du prix : un œuf cage coûte en moyenne 14 centimes au consommateur, contre 25 centimes pour un plein air… « Une partie de la population ne regarde encore que le prix. Il en faut pour tout le monde », plaide Étienne Gangneron.
Dans le cadre des États généraux de l’alimentation, la filière a ainsi présenté un plan pour passer de 69 % d’œufs cage aujourd’hui à au moins 50 % d’œufs « alternatifs » (sol, plein air, bio) à partir de 2022. Un niveau jugé très insuffisant par les associations, qui réclament un soutien public pour accompagner la difficile transition vers des élevages respectueux des animaux.
En l’absence de mesures en ce sens, la balle est désormais dans le seul camp du consommateur, pris en tenaille entre sa conscience et son portefeuille.