L’œuf sans poule ni coq d’étudiantes biologistes

Tous les mois, un objet raconte un cursus. A l’Ecole de biologie industrielle, Sheryline Thavisouk et Philippine Soulères ont inventé un œuf végétal.

Un œuf végan.
Un œuf végan. Charlotte EVRARD

Chronique. Lorsqu’elle était étudiante en licence de biochimie à l’université de Cergy-Pontoise, Sheryline Thavisouk, 25 ans, se voyait bien créer des mascaras et des crèmes hydratantes. Fausse route : trois ans plus tard, avec sa binôme Philippine Soulères, elle produit des œufs sans poule ni coq et sans couvaison. Les deux nouvelles diplômées de l’Ecole de biologie industrielle (EBI) ont inventé pendant leurs études un œuf « entièrement composé de matières végétales et minérales », expose Philippine. Un œuf « végan-compatible », baptisé Les Merveilloeufs, que les deux entrepreneuses présentent sur leur site, ouvert vendredi 22 novembre. Des œufs qui peuvent être consommés sans risque d’allergie, problème qui touche 1 à 2 % des enfants d’âge préscolaire.

Pour passer de la cosmétique à l’industrie alimentaire, il n’y aurait qu’un pas. « Faire une crème pour la peau, c’est un peu comme monter une mayonnaise », assure Sheryline. Ce pas, la jeune femme le franchit avec sa consœur après avoir rejoint l’EBI en 2017. L’école d’ingénieurs prévoit, pour ses étudiants en première année de master, la mise en place d’un projet « innovation » : « Un exercice destiné à sensibiliser les étudiants à la création, à développer des projets entrepreneuriaux », explique Laurence Taupin, professeure de marketing à l’EBI.

Philippine Soulères et Sheryline Thavisouk présente une tarte aux poireaux cuisinée avec des Merveilloeufs.
Philippine Soulères et Sheryline Thavisouk présente une tarte aux poireaux cuisinée avec des Merveilloeufs. Eric Nunès / Le Monde

Avec 12 autres étudiants de la promotion, Sheryline et Philippine se creusent les méninges afin de trouver ce qui pourrait être tendance sur les étals de la grande distribution. Une idée émerge. « Le véganisme est en pleine expansion », expose Philippine. « Et nous avons réalisé que ce qui manquait le plus dans le quotidien alimentaire des personnes véganes, c’est l’œuf, un aliment qu’on peut retrouver dans chaque repas, du petit déjeuner au dîner, dans les plats sucrés et salés. Nous avons décidé d’en faire un. Une idée un peu folle », poursuit Sheryline.

Les étudiants se lancent alors dans des recherches pour tout savoir sur l’œuf et sa composition. Puis vient la mise au point d’une « recette » par les apprentis biologistes. « Nous avons réalisé des tests. Lorsque nous pensions nous approcher de l’objectif, de la formule miracle, nous nous rendions compte en cuisine que ce n’était pas concluant, pas compatible avec ce qu’un consommateur peut attendre d’un œuf. »

Une cinquantaine d’essais plus tard, le produit est au point. Mais il reste beaucoup à faire. « Souvent les élèves ingénieurs apportent de bonnes solutions techniques, mais ne mesurent pas si elles correspondent à un marché », souligne Laurence Taupin.

Sous l’impulsion de leur établissement, les deux innovatrices se sont muées en entrepreneuses pour donner corps à leur projet. En octobre, elles ont participé, avec succès, au concours Pépite (pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat), destiné à développer l’esprit d’entreprise chez les étudiants. Elles ont intégré dans la foulée l’incubateur Station F, à Paris. « Je ne pensais pas avoir le profil d’une entrepreneuse, souligne Philippine, puis j’ai réalisé qu’il n’y a pas de profil pour entreprendre. »

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