On pensait que la loi alimentation d’octobre 2018 avait réglé la question, mais la bataille de l’œuf de cage semble loin d’être terminée. Elle vient en tout cas d’être relancée par un collectif d’associations de défense du bien être animal très remonté contre le ministère de l’agriculture à qui il reproche sa « marche arrière » sur le sujet, dans un communiqué publié mardi 19 décembre.
Pour comprendre la polémique, il faut relire les quelques lignes de l’article 68 du texte de loi. Celui-ci précise que « la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses élevées en cage est interdite », les modalités d’application devant être définies par décret. Et comme souvent, le problème se cache dans le détail.
De l’interprétation des lois
« Le texte voté par les députés l’an dernier est on ne peut plus clair : tout nouvel élevage de poules en cage est désormais prohibé, estime Nikita Bachelard, chargée d’affaires publiques à la Fondation droit animal (FDA). Aussi avons-nous été très surpris, et inquiets, en découvrant la manière dont le ministère l’interprétait. »
Dans un projet de décret adressé pour avis aux ONG au printemps dernier, le ministère précise en effet sa manière de voir les choses concernant les « bâtiments réaménagés ». Ne seront touchés par l’interdiction que les bâtiments dont « les travaux ou aménagements réalisés conduisent à augmenter la capacité de production », souligne le texte.
« Ce qui revient à autoriser la rénovation d’élevages en cages déjà existants, au risque de ralentir tout le processus de transition que la loi alimentation était censée promouvoir », décrypte Nikita Bachelard. Aussi les associations réagissent-elles en adressant, le 16 juillet, un courrier au ministre Didier Guillaume pour lui faire part de leur désaccord avec un projet de décret jugé contraire à l’esprit de la loi.
Une réponse sans appel du ministre
La réponse, datée du 28 octobre, et signée de la directrice de cabinet du ministre, Isabelle Chmitelin, est sans appel. « Si l’enjeu est bien d’accélérer la transition vers un mode d’élevage alternatif, il demeure essentiel que les exploitants qui ne peuvent mener cette transition à court terme, puissent conduire les améliorations indispensables au maintien des meilleures conditions d’élevage possibles pour les animaux encore détenus en cage », explique-t-elle.
Avant de conclure : « Le ministre souhaite ainsi que soit entièrement respecté l’arbitrage retenu lors du vote de la loi, à savoir, interdire toute augmentation de surface de poules pondeuses en cage tout en permettant la rénovation des cages existantes. »
Une décision qui réjouit Philippe Jouven, éleveur à Hostung, dans la Drôme, et président du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO), l’interprofession de la filière. « C’est du bon sens économique. Dans les années 2010, on nous a demandé de mettre nos élevages en conformité avec la nouvelle réglementation européenne sur les cages. Il faut bien que les éleveurs aient le temps d’amortir leurs investissements dans de bonnes conditions d’exploitation », plaide-t-il.
La nécessaire transition des modes de production
La profession se défend également de traîner les pieds face à la nécessaire transition des modes de production. « En 2018, 57 % des poules étaient en cage contre 70 % en 2016. Notre plan de filière s’est fixé pour objectif d’arriver à 50 % en 2022. À la vitesse où évoluent les choses, on y arrivera sans doute avant », avance Philippe Jouven.
Un optimisme que ne partagent pas les associations de défense de la cause animale. « Malgré les promesses du candidat Macron, la question du bien être animal reste le parent pauvre de la politique gouvernementale. Voilà des mois que le ministre de l’agriculture promet des annonces fortes en ce sens qui n’arrivent jamais. Cette reculade sur les poules en cages ne fait qu’ajouter à la déception », soutient Nikita Bachelard.
Le collectif d’associations n’a d’ailleurs pas baissé les bras. « Le ministre a décidé d’aller vite en procédant non plus par décret mais par instruction. Il va falloir décider très rapidement si nous attaquons sa décision en Conseil d’État », avertit-elle. Dans tous les cas, les poules ne sont pas près de sortir de leur cage.