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Les œufs bio sont-ils vraiment bio ?

Un œuf sur cinq vendu en France est aujourd’hui bio. Les syndicats craignent des dérives dans ce marché en forte expansion, avec la création de très grosses exploitations.

Les œufs sont les aliments bio les plus vendus en France, avec le lait et les légumes. Face au succès, les éleveurs de poules pondeuses bio sont de plus en plus nombreux. Le marché augmente chaque année d’environ 15 %, depuis quatre-cinq ans. Une croissance très importante qui fait le bonheur des éleveurs. Mais attisent des craintes.

Le syndicat des labels avicoles (Synalaf) s’inquiète de « perspectives alarmantes ». En cause : une dizaine de projets d’élevages de 24 000 poules pondeuses d’œufs bio devraient sortir de terre en France, dans les dix-huit prochains mois. Le syndicat s’alarme d’un risque de « surproduction », qui tirerait les prix à la baisse pour les éleveurs.

Perte de confiance

« C’est d’autant plus grave de construire trop vite qu’il y a un risque de ne pas respecter l’éthique du bio », pointe le président du Synalaf, Eric Cachan. Un élevage de poules pondeuses bio doit se conformer à des règles : des animaux nourris d’aliments bio, dans une exploitation à taille humaine, ayant accès au plein air. Des valeurs aujourd’hui plébiscitées par une part grandissante des consommateurs, poussés par des associations de défense de la condition animale.

Des opérateurs, jusqu’à présent spécialisés dans la vente de poules pondeuses en cage et au sol, à destination de la grande distribution, diversifieraient leur offre avec le bio (en accompagnant des éleveurs dans cette lourde transformation). Ces projets de grande envergure, « loin de partager les valeurs de producteurs engagés, sont avant tout opportunistes », juge Brigitte Beciu, chargée de mission élevage à la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), qui partage les mêmes craintes que le Synalaf. Des bâtiments de 24 000 poules « se rapprochent des conditions industrielles. Certes, cela reste techniquement du bio, mais le bien-être animal devient difficile à contrôler. »

La taille maximale est aujourd’hui limitée à 3 000 poules par bâtiments, avec accès obligatoire au plein air. Mais plusieurs groupes peuvent se trouver dans un même bâtiment, séparés par un simple grillage. Derrière cette course à l’agrandissement, la Fnab et le Synalaf craignent également une perte du lien au sol, avec une hausse des importations de céréales pour les poules pondeuses. À terme, « on risque de perdre la confiance du consommateur ».

Un logo pour les œufs bio

Dans les prochaines semaines, un logo « œuf de France » va apparaître dans les rayons de nos supermarchés. Pour que les œufs bio en bénéficient, l’interprofession des œufs (CNPO) exigera que l’élevage n’excède pas 24 000 poules.

C’est un premier acquis, mais les syndicats veulent aller plus loin. Actuellement, la réglementation européenne n’impose pas de limite sur la surface des bâtiments pour les poules pondeuses bio, contrairement aux élevages de volailles de chair bio, par exemple. La Fnab et le Synalaf travaillent aujourd’hui avec le ministère français de l’Agriculture pour que l’Europe impose une taille d’élevage maximale. Une ambition qui se heurte à la production de certains pays européens comme l’Italie, où les élevages de pondeuses bio peuvent grimper jusqu’à 40 000 poules.

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