Le bien-être animal devrait-il avoir son propre ministère?

Après la polémique née de la présence de Didier Guillaume à une corrida, les défenseurs des animaux demandent à ce que son ministère abandonne cette question.

POLITIQUE – Peut-on être ministre de l’Agriculture, donc en charge du bien-être animal, et assister à une corrida? Non, répondent les défenseurs des animaux, qui s’indignent davantage de la présence de Didier Guillaume dans les arènes de Bayonne, que de celle de sa collègue Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires.

“Après Martine ‘s’en branle’ de Greta Thunberg, Didier Guillaume ‘s’en branle’ de la souffrance animale! Lamentable!”, a fustigé sur Twitter Yannick Jadot, soulignant le paradoxe manifeste qu’il y a entre les prérogatives du ministre de l’Agriculture et sa présence à ces événements qui, été après été, divisent la classe politique au-delà des appartenances partisanes.

Pour l’association de défense des animaux L214, cette polémique est l’occasion de reconsidérer la place du bien-être animal au sein de l’action gouvernementale. “Ce qu’on demande, c’est que la question du bien-être animal soit sortie du ministère de l’Agriculture”, a déclaré sur BFMTV la cofondatrice de l’association Brigitte Gothière, soulignant que Didier Guillaume n’avait pas apporté de réponses satisfaisantes sur les cages pour les poules pondeuses et les lapins ni sur l’abattage sans étourdissement.

Même son de cloche du côté de la fondation Brigitte Bardot, qui demande à Edouard Philippe de retirer cette compétence à Didier Guillaume et “de créer un ministère dédié à cette cause”.

“Un conflit d’intérêts évident”

Au HuffPost, Brigitte Gothière explique que rien ne sera fait en la matière tant que le bien-être animal sera compris dans ce portefeuille. “Il y a un conflit d’intérêts évident. Un ministre qui travaille en étroite collaboration avec les filières agricoles, lesquelles poussent pour l’immobilisme sur cette question, ne fera jamais rien pour le bien-être animal, à part faire semblant de s’en soucier”, explique la cofondatrice de L214, pour qui la présence de Didier Guillaume dans les arènes de Bayonne “est une symbolique très forte”.

D’où la nécessité selon elle de créer une administration indépendante. “On pourrait penser à un secrétariat d’État”, poursuit Brigitte Gothière, soulignant que cette création est souhaitée “de longue date” par plusieurs associations françaises.

La cofondatrice de L214 met toutefois quelques garde-fous. “Il faudrait une administration qui ne soit pas placée sous la responsabilité de secteurs en lien avec l’exploitation animale”, indique-t-elle, citant les “vaches à hublot” utilisées pour la recherche.

L’exemple belge

Pour de nombreux défenseurs des animaux, la solution se trouve de l’autre côté des Ardennes. En Belgique en effet, dont le système administratif et fédéral est très différent de la France, trois ministres se consacrent à cette question: en Wallonie, en Flandre et à Bruxelles.

En Wallonie, c’est le ministre de l’Environnement, Carlo Di Antonio, qui est en charge du bien-être animal. Ce dernier a d’ailleurs fait adopter en juillet 2018 un “code du bien-être animal”, dont le suivi est assuré par une administration dédiée. Un modèle qui est considéré comme une référence par les ONG françaises, dans la mesure où ce système a permis de statuer sur de nombreux sujets qui sont au point mort en France, comme l’interdiction des poules pondeuses en cages ou l’installation de vidéosurveillance dans les abattoirs. Des mesures retoquées en France par le ministère de l’Agriculture.

“J’espère que l’exemple wallon aura des répercussions positives sur la politique européenne. Mais en France, il n’y a aucune volonté des pouvoirs publics d’avancer sur le sujet, les enjeux commerciaux et agricoles sont trop forts, alors que de nombreux sondages indiquent que la population est très majoritairement en faveur de l’amélioration de la condition animale”, déplorait auprès du Parisien, Catherine Hélayel, avocate et cofondatrice de l’association Animal Justice et Droit au moment de l’adoption de ce plan.

“Les avancées belges ont été obtenues depuis la création de ces administrations indépendantes. Cela montre bien qu’en France le bien-être animal n’est pas encore considéré comme une question majeure”, regrette Brigitte Gothière.

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