LDC, les poulets aux oeufs d’or

DECRYPTAGE. En s’appuyant sur des marques fortes comme Loué ou Marie, le numéro un de la volaille française, qui vient de reprendre une partie de Doux, a montré que le coq gaulois pouvait tirer son épingle du jeu.

Tous les consommateurs de volaille connaissent les poulets de Loué. Mais très rares sont ceux qui ont entendu parler  de leur fabricant, LDC. Encore plus rares sont ceux qui le savent coté en Bourse. Pourtant, depuis son introduction sur le marché en 1995, l’action du volailler LDC a été multipliée par dix. Sur les cinq dernières années, elle a fait un bond de plus de 200 %.

La régularité des gains en Bourse et leur importance ont de quoi faire des envieux. De là à y voir une véritable pépite, il n’y a qu’un pas quand on jette un oeil alentour sur l’industrie française de la volaille, où disparus et moribonds se disputent l’espace. De leader mondial à l’exportation derrière le Brésil, la France a été rétrogradée à la cinquième place. Beaucoup y ont laissé des plumes,  à l’image de Doux, placé en liquidation judiciaire en avril dernier , et dont l’essentiel des activités sera repris par LDC.

Pis, la volaille tricolore est depuis peu attaquée sur son marché national où elle a été doublée par ses voisins les plus immédiats, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique qui ont fait une extraordinaire percée. Désormais, ces trois concurrents fournissent la quasi-totalité des cantines et des fast-foods de l’Hexagone. Dans ce contexte, LDC a trouvé ses propres pistes de croissance

LDC est né à Sablé (Sarthe) en 1968 dans l’indifférence de la valse des pavés parisiens. Du rapprochement des familles Lambert, Dodard et Chancereul, dont le groupe a pris les initiales. A l’origine du projet, on trouve Rémy Lambert, père de Denis Lambert, l’actuel président du directoire, et Gérard Chancereul, aujourd’hui président du conseil de surveillance.

Rémy et Gérard ont alors trente-cinq ans et l’avenir devant eux. Les Trente Glorieuses battent leur plein. L’agriculture est sur la rampe de lancement voulue par les fondateurs de l’Europe. La consommation de volaille se développe. Et pourtant, le rapprochement de ces familles était mal engagé. Auguste Lambert et Auguste Chancereul, les grands-pères de Denis et de Gérard, entretenaient des relations plutôt houleuses. Ils avaient dû faire appel à la justice pour résoudre le conflit né de l’utilisation de la marque de l’un par l’autre. Et comme d’habitude dans ce genre d’occurrence, la décision du juge n’avait pas suffi à éteindre les rancoeurs.

LDC, les poulets aux oeufs d\'or

La jeune génération n’avait quant à elle que faire de ces vieilles querelles. Rémy Lambert et Gérard Chancereul faisaient tous deux commerce de volailles et se rencontraient sur les marchés locaux pour y acheter des poulets. Le premier dirige une entreprise de vingt salariés. Le deuxième en emploie quarante.

Trois familles réunies

Face au développement de la grande distribution, Rémy Lambert et Gérard Chancereul décident de s’associer pour financer ensemble la construction d’un grand abattoir moderne correspondant aux exigences des enseignes. La famille Lambert est majoritaire avec 50 % des parts, les Dodard et les Chancereul ont chacun 25 % du capital. « Il était essentiel pour mon grand-père de créer un partenariat à trois. Il y voyait la garantie qu’il se dégage toujours une majorité », explique Denis Lambert, le patron actuel de LDC.

L’entreprise ainsi créée employait 70 personnes et dégageait un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros. On est encore très loin des 3,8 milliards d’euros du chiffre d’affaires de 2017 et des 18.000 salariés du groupe. Mais les ingrédients sont là pour faire prendre la mayonnaise. Le jeune Rémy Lambert avait déjà pressenti l’intérêt des produits de terroir et créé la marque des Volailles de Loué pour les poulets achetés directement à la ferme, à raison de 500 volailles par semaine.

De l’élevage à la transformation

Une politique très suivie de croissance externe et un sens aigu de l’opportunité feront le reste. Un premier saut vers l’industrialisation est effectué dans les années 1980 avec la création du Cavol. C’est le premier abattoir de volailles de Loué. Il en produit 70.000 par semaine. « Un vrai pari. Alors que nos concurrents faisaient tous du poulet classique, nous produisions des volailles fermières depuis la création du Label rouge en 1966. » Pour profiter à plein du boom de la distribution et pour être en mesure de livrer partout en France, LDC acquiert des entreprises. En Vendée. A Louhans, dans la Bresse. En Gironde, à Bazas.

Denis Lambert, qui avait alors vingt-quatre ans, était finalement devenu le directeur commercial du groupe, après avoir dit trois fois non. « Je ne me sentais pas les capacités de convaincre les clients. Depuis, cela s’est arrangé », confie-t-il. Et d’enchaîner : « Dès le début, le poulet de Loué a plu aux distributeurs. Il donnait une image haut de gamme à leurs rayons. On apportait de l’innovation, des services et surtout on a toujours tenu compte de leurs remarques. Ce sont eux qui nous faisaient remonter les attentes des consommateurs. »

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