L’agriculture face aux consommateurs versatiles

Ils veulent des denrées naturelles mais pas chères. Un défi difficile pour les producteurs. Il était au cœur des débats organisés, ce jeudi à Rennes, par Agrocampus Ouest et la Maison de l’Europe.

Le cas de l’œuf

Sous la double pression des associations de défense du bien-être animal et de la grande distribution, les producteurs vont abandonner la production d’œufs en cages pour une production en plein air. C’est un virage brutal pour une filière ayant lourdement investi en 2012 dans des cages respectant le bien-être des poules. « Un œuf plein air coûte 20 centimes d’euros contre 10 à 12 centimes pour un œuf standard en cage, rappelle Yves-Marie Beaudet, producteur d’œufs dans les Côtes-d’Armor et membre de l’interprofession nationale. Le prix en bio grimpe à 30 centimes pour un œuf. En moyenne le surcoût annuel sera de 72 € pour une famille de 4 personnes. Une minorité de consommateurs aisés a-t-elle le droit d’imposer ses choix à la majorité ? ». Il pointe aussi la difficulté de convertir les élevages au plein air. « Il faudrait 12 000 ha, on les prendra à qui ? »

Les porcs sans antibiotique

Ils sont élevés chez les 2 700 éleveurs adhérents de Cooperl. La coopérative de Lamballe (22) a décidé d’anticiper les évolutions de la demande sociétale. « Il y a quelques années, nous n’avions que 3 personnes dans le service recherche et développement, indique Patrice Drillet, responsable de la Cooperl. Ils sont aujourd’hui 50. Nous avons commencé à réfléchir sur la non-castration des porcelets en 2010, 90 % de nos éleveurs ont adopté cette technique. En revanche ces efforts doivent se retrouver dans le prix du porc ».

L’exemple de la tomate

Bien ronde, bien calibrée, elle peut tenir 8 à 15 jours sur les étals des grandes surfaces par contre, elle manque cruellement de saveur. « Ce produit répond aux exigences de la grande distribution et des transformateurs mais certainement pas à la volonté des producteurs et des consommateurs, regrette Marcel Denieul, président de la chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine. D’où l’intérêt des circuits courts où l’acte de production est pleinement reconnu ». Dans ce cas, l’agriculteur et ses clients deviennent des alliés. « La production agricole est trop atomisée en France, reconnaît Dominique Chargé, président de la Fédération nationale des coopératives laitières. L’avenir des producteurs passera par leur faculté à prendre leur destin en main en investissant dans l’aval ». Les Français devront mettre un peu la main au porte-monnaie « car entre un producteur qui veut être mieux rémunéré et un consommateur qui ne veut pas payer plus cher, il va y avoir un problème »

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