L214. L’élevage breton contre-attaque

Avec ses vidéos chocs qui dénoncent la souffrance animale dans les abattoirs ou dans des élevages, l’association L214 a éveillé les consciences. Pour autant, cette association est-elle indemne de tout reproche ? Non répond l’Ameb (Association pour le maintien de l’élevage en Bretagne) qui dénonce une « machine de guerre » et reproche à L214 d’être financée, entre autres, par des entreprises américaines. Arguments contre arguments.

D’un côté L214, association qui dénonce la souffrance animale avec des méthodes controversées. Ces derniers mois, elle a frappé fort avec des vidéos insoutenables qui totalisent des millions de vues sur les réseaux. Au risque de donner une image peu reluisante de la filière viande française tout entière.

De l’autre, l’Ameb, qui rassemble le monde de l’élevage breton, contre-attaque. Elle vient de recevoir une étude approfondie sur cette association. Stérilisation des animaux, conversion des animaux au véganisme, financement par des chefs d’entreprise de la Silicon Valley en Californie : ce sont quelques-uns des griefs du rapport.

« C’est une attaque creuse qui vise très clairement à esquiver le débat de fond et à détourner notre regard des animaux élevés et tués pour la consommation », répond Brigitte Gothière, porte-parole de L214.

L’avis des éleveurs

François Palut, maire de Plouvorn (29).

« Ils prétendent agir pour le bien-être animal, en réalité ce sont des gourous qui ont un projet radical dont personne n’a conscience, pas même leurs adhérents qui, eux, pensent défendre la cause animale ». François Palut, maire de Plouvorn (29), ancien éleveur de porcs et président de l’Ameb, ne mâche pas ses mots quand il évoque L214. L’association, avec ses vidéos insoutenables qui totalisent des millions de vues sur le net, a frappé fort ces derniers mois au risque de donner une image peu reluisante de la filière viande française tout entière.

« Une folle idéologie »L’Ameb, qui rassemble le monde de l’élevage breton, a donc pris l’initiative de contre-attaquer au terme d’une étude approfondie de l’idéologie et du financement de l’association créée en 2008 par Brigitte Gothière, Sébastien Arsac et Antoine Comiti. François Palut commence par dénoncer « la folle idéologie » des anti-viande de L 214, développée dans les cahiers antispécistes, une revue fondée en 1970. Les antispécistes combattent notamment la domination de l’animal par l’homme. Ainsi l’Ameb a particulièrement disséqué le projet RWAS (réduction de la souffrance des animaux sauvages) que l’on retrouve dans le programme du parti animaliste. « Ce projet, résume François Palut, prévoit deux moyens pour faire disparaître la douleur de la planète. C’est soit d’éliminer, pour leur bien, tous les animaux carnivores sur terre et dans les océans, soit de les convertir au véganisme grâce aux progrès des biotechnologies et de la génétique ».L’Ameb ajoute que les partisans de ce programme revendiquent aussi la stérilisation des animaux de compagnie « Quand les propriétaires d’animaux font des dons à L214, en réalité ils donnent de l’argent à des abolitionnistes qui veulent faire disparaître les animaux de compagnie au nom du refus de l’exploitation de l’animal par l’homme ».

« Une machine de guerre »Hervé Leprince, qui dirige une agence de communication, dénonce « une machine de guerre ». « Ce sont des gens que l’on invite sur les plateaux de télévision pour parler du bien-être animal alors qu’ils prônent en réalité un changement de civilisation. Ce sont des gourous qui n’assument pas ; alors ils avancent masqués. Derrière le marketing d’une ONG très cool, leur stratégie est parfaitement huilée ! ».L’Ameb s’est penchée aussi sur le financement de L214 dont le budget (5 millions d’euros en 2017) provient quasi exclusivement de dons. L’association bretonne s’est procuré le rapport du commissaire aux comptes pour l’exercice 2017. Dans celui-ci apparaît très clairement un don de 1,14 million d’euros accordé par « l’Open Philanthropy project ». L’OPP est une fondation de chefs d’entreprise de la Silicon Valley en Californie. Cette fondation précise que ce don doit permettre à ses bénéficiaires d’agir pour les poulets de chair et de structurer des initiatives sur les campus universitaires.S’il n’y a rien a priori d’illégal, l’Ameb se pose la question des réelles motivations de ces généreux donateurs. « En finançant L214, les patrons de la Silicon Valley affaiblissent la filière viande en France et ouvrent le marché de l’alimentation vegan et surtout du prometteur futur marché des aliments de synthèse comme la viande in vitro dans lesquels ils investissent fortement », accuse François Palut.

La réponse de L214

L’association L214, que nous avons contactée, balaie toutes ces accusations : « C’est une attaque creuse qui vise très clairement à esquiver le débat de fond et à détourner notre regard des animaux élevés et tués pour la consommation », réplique sa porte-parole Brigitte Gothière, précisant que l’action L214 concerne des animaux considérés comme « de simples ressources alimentaires ».

« Nous nous attachons à montrer, poursuit Brigitte Gothière, ce que les professionnels laissent, eux, cachés : les pratiques routinières de l’élevage, du transport de l’abattage des animaux. À partir du constat des pratiques majoritaires d’élevage, des avancées scientifiques en matière d’éthologie et de sciences cognitives, nous proposons de revoir en particulier notre modèle agricole et agroalimentaire aujourd’hui basé sur plus de trois millions d’animaux abattus chaque jour en France dans des conditions immontrables ». Et L214 de plaider « pour une abolition des pratiques qui nuisent massivement aux animaux : l’élevage, l’abattage et la pêche ».

Sur la question de l’élimination des animaux sauvages carnivores, Brigitte Gothière juge les propos de l’Ameb « nuls et non avenus ». « L214 n’a pas développé de campagne autour de ces questions ».Côté financement, l’association répond qu’elle a toujours veillé à être transparente sur l’origine de ses fonds. « Une transparence dont certaines entreprises comme Lactalis ou Bigard s’affranchissent sans rougir malgré des obligations légales », ironise Brigitte Gothière.Concernant les donateurs américains, L214 répond que l’OPP est une organisation dont l’objet est de soutenir financièrement des ONG qui souhaitent comme elle « un monde plus juste pour tous, humains et animaux. » Et Brigitte Gothière de conclure: « L’OPP n’a ni pour but de mettre fin à l’élevage français, ni de promouvoir la viande de synthèse. Ce financement représente une chance inespérée de mener à bien nos actions ».

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