Fabrice Jaulin, témoignage d’un producteur d’œufs en cages découragé

Souvenez-vous, c’était en juin 2011, à Bressuire Saint-Porchaire (79). À quelques mois de l’échéance sur la mise aux normes 2012 des installations de cages aménagées pour l’élevage de poules pondeuses, Fabrice Jaulin agrandissait de 128 000 places son exploitation pour arriver à 134 000 poules pondeuses sur 3 bâtiments. Aujourd’hui, à 39 ans, il est dans une mauvaise posture et plus que jamais inquiet pour son avenir.

Car avec l’annonce de la GMS de vouloir arrêter la commercialisation des œufs produits sous l’estampille du code 3 d’ici 2020-2025, il est déstabilisé. De nature pourtant dynamique et combative, il ne sait plus où il va. Il a bien un projet de rénovation d’un de ses bâtiments pour le transformer en un outil capable d’accueillir 24 000 poules plein-air avec la création d’un jardin d’hier, « mais c’est tout ce que je pourrai faire ! Et encore, ce fût très compliqué. En 2016, j’ai bien tenté de monter un projet de diversification de mon exploitation qui consistait en la construction d’un nouveau site dédié à l’élevage de poules pondeuses plein-air. Malheureusement, compte-tenu de mes investissements très lourds engagés en 2011 (5 millions d’euros), ma banque ne m’a pas suivi cette fois. Il me manquait la moitié du financement ».
Limité par sa capacité de terrain pour produire de l’œuf plein-air, Fabrice Jaulin a bien pensé à produire de l’œuf en code 2, « mais il faudra voir l’évolution du marché ! En 2009, on nous a dit qu’il fallait tout miser sur l’œuf en code 3, l’œuf plein-air étant alors suffisamment produit. Cinq ans plus tard on nous dit le contraire : comment peut-on avoir confiance ? »

Aujourd’hui, Fabrice Jaulin ne se sent pas entendu, et encore moins respecté en tant que producteur d’œufs de consommation en cages aménagées. Et ce malgré tous les efforts qu’il a réalisé ces dernières années pour avoir un outil de production performant, respectueux des normes actuelles en matière de bien-être animal, qui permet d’avoir une maîtrise sanitaire totale au sein des exploitations. « On a tout à perdre à arrêter la cage ! Sur un parcours, on ne maîtrise plus rien. On a la chance aujourd’hui d’avoir un bon microbisme sur nos élevages. Compte-tenu de la pression sanitaire à laquelle nous devons faire face aujourd’hui, cette décision d’arrêter la production d’œufs en cages aménagées n’est pas raisonnable. »

« Il est totalement impensable que notre profession soit dictée par les seules idées d’associations de type végane et de défense des droits des animaux ! »

« Demain, si l’œuf en cage n’est plus commercialisé en GMS, que deviendrons-nous ? Notre métier d’éleveur est un travail qui demande une présence 7 jours/7 et 24h/24. Aujourd’hui, il n’y a aucune reconnaissance de l’implication fournie pour pouvoir effectuer un excellent travail. Au-delà de cette réalité du quotidien, nous avons également pris des risques financiers et sanitaires. Nous nous sommes mis aux normes avec de lourds investissements incontournables si nous voulions continuer à fournir les GMS mais aussi les casseries », colère-t-il. « Certaines GMS nous disent qu’elles rencontrent les mêmes contraintes que nous car dans l’obligation de mettre au normes les transpalettes ! Ils parlent de quelques centaines d’euros quand pour nous il s’agit de plusieurs milliers d’euros. Ces gens sont complètement déconnectés vis-à-vis de la production. Ils veulent du ‘pas cher’ ? Mais il faut bien avoir à l’esprit que nous avons tous un coût de production élevé avec des cahiers des charges stricts, sans antibio, sans OGM, BBC, et surtout un outil de production non amorti ».

Aujourd’hui, si Fabrice est toujours là, c’est surtout parce qu’il a des engagements financiers qu’il doit honorer. « Je me bagarre tant que je peux pour faire tourner mon élevage, mais j’avoue que la dynamique n’est plus la même, et je n’encouragerai pas mes enfants à suivre mon chemin », avoue-t-il découragé.

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