En 2030, l’agriculture européenne ne sera pas biologique

Selon la commission européenne, 10 % de la SAU européenne seraient convertis en bio en 2030. L’agriculture biologique sera concurrencée par des systèmes de production conventionnels rendus plus écologiques au fil des règlementations environnementales. Les nouvelles conversions à l’agriculture bio porteraient sur les filières actuellement les plus en retrait : grandes cultures, élevages porcins et de poules pondeuses.

L’Union européenne agricole ne sera pas convertie au bio. Loin s’en faut ! Seuls 18 millions d’hectares, soit 10 % de la Sau, seront passés au bio d’ici 2030 selon un document rendu public par la Commission européenne intitulé “EU agricultural outlook for market and income 2019-2030” (prévisions prix et marchés 2019-2030 pour l’Union européenne).

Alors que les règles de la nouvelle réforme de la Pac 2021-2027 ne sont pas encore connues, la Commission européenne a donc déjà une idée de ce que produiront les vingt-sept pays membres dans douze ans. C’est à se demander si cette réforme n’est pas déjà bouclée…

En fait, l’organisation européenne anticipe une évolution des habitudes alimentaires des consommateurs européens. Ils seraient plus flexitariens qu’aujourd’hui. Autrement dit, ils mangeraient moins de viande mais ils ne seraient pas prêts à s’alimenter bio à 100 %.

De plus, l’évolution de la réglementation environnementale pourrait conduire à réduire la différence qualitative des produits conventionnels par rapport aux produits bio. Au fil du temps, les frontières entre les pratiques agricoles seront de plus en plus tenues.

Les consommateurs auraient ainsi accès à une très large palette de produits davantage en phase avec leurs aspirations. Mais ces évolutions ne seraient pas sans conséquences sur les prix des produits bio payés aux producteurs et mis en vente dans les rayons des distributeurs.

Les différences de prix actuelles entre les deux catégories de produits seront à termes difficilement justifiables.

Toujours selon la Commission européenne, le rythme de conversion se ralentira au cours des douze prochaines années (3 % par an contre 5 % entre 2006 et 2018), surtout au cours de la seconde moitié de la période.

Les nouvelles conversions de parcelles à l’agriculture biologique porteront davantage sur les terres arables dédiées aux grandes cultures et moins sur les prairies permanentes et sur les cultures permanentes (vignes, arbres fruitiers) déjà largement converties.

Davantage de céréales et d’oléo-protéagineux bio seront produits pour nourrir les animaux dans les élevages convertis. Une partie des protéines végétales produites en plus se substituera aussi à la viande consommée en moins par les consommateurs flexitariens.

Les cultures bio “à la traine” émergeront : des betteraves sucrières et des pommes de terre bio seront cultivées sur des surfaces plus importantes. Car à partir du moment où de grandes exploitations se convertissent au bio, l’ensemble de leurs productions sera impacté.

La croissance de l’ensemble des productions n’affranchira pas l’Union européenne des importations de produits tropicaux qu’elle ne peut pas produire sur le sol mais également des produits bio “tempérés”, meilleurs marchés.

Rattrapage limité

Comme pour les cultures, la conversion de l’élevage sera sélective et se caractérisera par un phénomène de rattrapage dans les filières monogastriques (volailles, porcs) actuellement peu converties au bio. Toutefois, la proportion d’élevages nouvellement passée au bio sera faible (2 % en production totale de porcs).

Un des facteurs limitants à la conversion est surfacique. Actuellement, la majorité des producteurs de porcs et d’éleveurs de poules pondeuses n’a pas à proximité de leurs bâtiments suffisamment  de prairies pour mettre leurs animaux en plein air. Et dans les bassins de production où les surfaces en herbes sont importantes, les éleveurs de ruminants ne peuvent pas s’improviser producteurs de porcs ou de volailles !

Cependant, l’expansion de l’élevage bio pourrait conduire à une nouvelle géographie des productions d’élevage, avec l’émergence de régions bio en marge des régions actuellement spécialisées.

Par exemple, le doublement de la production d’œufs bio (5 % de la production européenne en 2030) conduira à la construction de bâtiments d’élevage dans des régions herbagères.

Dans les régions traditionnels d’élevage, davantage de producteurs de bovins et d’ovins deviendront aussi adeptes du bio. Pour autant, le cheptel ne représentera en2030 que 9 % des effectifs (6 % en 2015), selon la CE.

Au cours des douze prochaines années, le prix du lait conventionnel auquel les producteurs seront payés conditionnera le rythme de conversion des élevages laitiers au bio. Or la CE anticipe un marché mondial des produits laitiers très porteur dominé par l’Union européenne.

C’est même la seule région du globe en mesure de produire suffisamment de lait en plus pour compenser un marché africain et asiatique structurellement déficitaire de 42-44 Mt de lait à l’horizon de 2030.

L’Union européenne sera seule en mesure d’exporter jusqu’à 22 Mt de lait. Elle distancera alors largement la Nouvelle Zélande (19 Mt) et les Etats-Unis (12 Mt) et elle marginalisera l’Australie.

Il reste à savoir si le prix payé aux producteurs sera suffisamment rémunérateur…

Notre illustration ci-dessous est issue de Adobe

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