Le chapitre consacré au respect du bien-être animal dans le projet de loi agriculture et alimentation a peu évolué après son examen vendredi au Sénat, au grand dam des associations de défense des animaux. La Haute assemblée a validé l’expérimentation de la vidéosurveillance dans les abattoirs volontaires.
Le Sénat a débattu dans la nuit de vendredi à samedi, pendant deux heures et demie, du chapitre consacré au respect du bien-être animal. Contrairement à d’autres aspects du projet de loi agriculture et alimentation – dont l’examen doit s’achever ce lundi – cette partie n’a pas fait l’objet de retouches importantes de la part des sénateurs, qui ont défendu une approche « pragmatique ».
L’article (13 quater A) a été adopté dans les mêmes termes entre les deux chambres : il prévoit l’expérimentation, sur une durée de deux ans, de la vidéosurveillance dans les abattoirs, sur la base du volontariat.
La vidéosurveillance ne sera introduite qu’à titre expérimental
Certains amendements ont tenté, en vain, de rendre obligatoire la mesure à la totalité des abattoirs. « 80 % de nos concitoyens demandent la vidéosurveillance dans les abattoirs […] Le pragmatisme, c’est aussi d’être en phase avec ces aspirations », a expliqué la sénatrice (LR) de Paris Céline Boulay-Espéronnier, avant de se rallier à la position de la commission des Affaires économiques et du gouvernement. « Il convient de ne pas être prescriptif en la matière », a répondu le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert.
De la même manière, les sénateurs ont adopté l’article 13 qui permet aux associations de se porter partie civile en cas de maltraitance animale constatée. Les peines d’emprisonnement et les amendes sanctionnant les mauvais traitements envers les animaux ont été doublées. Ce délit de maltraitance animale a été étendu aux abattoirs et au transport.
Plusieurs amendements réclamant une limitation de la durée du transport d’animaux vivants, défendus par la gauche ou par une partie de la droite, ont été retoqués. Le gouvernement et la rapporteure du texte, Anne-Catherine Loisier (Union centriste), ont précisé que cette question devait être traitée à l’échelon européen. « En adoptant des amendements comme ceux-ci sur la limitation de la durée du transport d’animaux vivants, vous tuez le Salon de l’agriculture », a aussi argumenté le ministre.
L’interdiction de broyer des poussins mâles n’a pas été adoptée
L’amendement du groupe CRCE (communiste, républicain, citoyen et écologiste) et celui de Laurent Rossignol (PS) visant à interdire la mort des poussins mâles par broyage ont connu le même sort qu’à l’Assemblée nationale : ils n’ont pas été retenus. Chaque année, dans les couvoirs industriels qui sélectionnent les poules pondeuses, ce sont environ 50 millions de poussins mâles qui sont broyés ou gazés vivants. « Nous sommes tous particulièrement mal à l’aise face à ces pratiques, mais il n’existe pas, à ce jour, de méthodes alternatives qui soient parfaitement validées et industrialisables à court terme », a répondu la rapporteure Anne-Catherine Loisier. Le ministre a lui rappelé que la France finançait à hauteur de quatre millions d’euros un projet de recherche pour sélectionner les poussins au stade de l’embryon.
Les amendements pour une interdiction de la castration à vif ou de la caudectomie (coupe systématique des queues) des porcelets, ont eux aussi été rejetés. Selon Stéphane Travert, la section partielle (et non pas totale) se justifie, lorsque des blessures sont causées aux oreilles ou aux queues des autres porcs. « Il est nécessaire de préserver cette possibilité en cas de besoin et de responsabiliser les professionnels sur le cadre strict de la réglementation », a-t-il insisté.
L’écologiste Joël Labbé s’est indigné de ces pratiques, résultat d’élevages qu’il a qualifié de « concentrationnaires ».
L’interdiction totale des élevages de poules pondeuses en batterie à la fin du quinquennat n’est pas non plus passée au Sénat
Le projet de loi veut également donner un coup d’arrêt aux œufs produits en batterie. Les sénateurs ont adopté l’article 13 bis A interdisant tout construction de tout nouveau bâtiment destiné à l’élevage des poules pondeuses en cages. Dans leur version, les députés visaient également les structures ayant fait l’objet d’un réaménagement. « Ce que nous avons en tête en modifiant le texte de l’Assemblée nationale, c’est la réparation d’un trou dans le toit qui pourrait provoquer un accident », a expliqué la présidente de la commission des Affaires économiques Sophie Primas.
Plusieurs amendements, déposés par toutes les tendances politiques, prévoyaient l’interdiction de ces conditions d’élevage à différentes échéances dans les années 2020. Certains ont rappelé la promesse faite par Emmanuel Macron devant le WWF en février 2017 : « Je prends notamment l’engagement qu’il soit interdit d’ici 2022 de vendre des œufs pondus par des poules élevées en batterie ».
La commission des Affaires économiques et le ministre Stéphane Travert n’y ont pas été favorables, préférant s’appuyer sur les plans des filières. Celles-ci se sont engagées à produire 50% de leurs œufs dans des élevages alternatifs à l’horizon 2022. Selon l’association de défense des animaux, L214, 68% des œufs en France proviennent de batteries. Évoquant des « conditions abominables », le sénateur (LR) Arnaud Bazin, vétérinaire de profession, a souligné que l’élevage des poules en batterie était « indéfendable à tout point de vue ».
D’autres ont mis en avant les investissements « très lourds » engagés par les producteurs pour adapter les cages à partir de 2012, à la suite d’une nouvelle réglement européenne.
« L’équivalent d’une feuille A4 par lapin »
Là aussi portée par des sénateurs aussi bien de gauche, comme de droite, l’interdiction des cages pour l’élevage des lapins n’a pas non plus été adoptée. « 37 millions de lapins sont élevés dans des cages grillagées, où l’espace de vue est très restreint, l’équivalent d’une feuille A4 par lapin », s’est indigné le sénateur (Les Indépendants) Jean-Louis Lagourgue. « Un lapin, hors de sa cage, est tout de suite épris d’une grande liberté », a fait remarquer le ministre. « Il faudra maintenir des cages, mais suffisamment aménagées, où l’animal puisse se tenir levé sur ses pattes arrière, où il puisse avoir un espace où se mouvoir », a-t-il ajouté, ouvrant la voie à une définition de la surface minimale par arrêté ministériel.
L’association L214 a déploré le fait qu’ « aucun amendement favorable aux animaux » n’ait été adopté. « La prise en compte de la souffrance animale ne semble (définitivement) pas être une priorité au Sénat, a-t-elle ajouté.