Leclerc, Monoprix, Metro, Carrefour… mais aussi Intermarché et Système U sur leurs marques propres. Que l’échéance soit déjà effective ou qu’elle tombe en 2020, 2022 ou 2025, la quasi-totalité des distributeurs ne proposeront plus d’ici à 10 ans dans leurs rayons d’oeufs de consommation pondus par des poules élevées en cages. Un tournant qu’ont beaucoup plus de mal à prendre les industriels de l’agroalimentaire, qui utilisent pourtant des oeufs et des ovoproduits (oeufs écalés, jaune d’oeufs, blanc d’oeufs, oeufs mélangés)… dans leurs recettes. Entre 75% et 80% de ces ingrédients issus de l’oeuf (40% de la production d’oeufs en France) partent ainsi chez les fabricants de pâtes fraîches, biscuits, gâteaux, pizzas, crêpes et autres quiches lorraines. Le reste étant utilisé par la restauration hors domicile.
Malgré la sensibilité croissante des consommateurs sur le bien-être animal et l’activisme de l’association L214, une poignée d’industriels seulement a modifié les recettes pour ne plus utiliser que des oeufs de poules de plein air. C’est le cas des biscuites Michel & Augustin et Saint-Michel, des fabricants de mayonnaise Amora et Lesieur, du glacier américain Häagen-Dazs ou du groupe Barilla. Première raison de ce “retard” : à l’inverse des oeufs de consommation non transformés, les consommateurs sont moins attentifs au bien-être animal à l’heure de choisir leur pizza ou leurs pâtes. Deuxième frein : le prix. Les coûts de production d’un oeuf Label Rouge ou plein air (code 1) sont de 22% supérieurs à ceux d’un oeuf de poule en batterie. Ce qui est entièrement répercuté aux industriel, qui déboursent 25 à 40% plus chers pour les oeufs Code 1. Pour l’oeuf bio (Code 0), le prix double.
Onctueuse et aérienne
Conséquence : il faut du temps.
C’est le cas des pâtes Lustucru : l’entreprise réfléchit depuis longtemps à s’aligner sur les mieux-disants du bien-être ovin, mais reconnaît que ce ne sera pas pour demain. “On fait aussi avec la vitesse de la filière“, détaille son concurrent Barilla par la voix de Miloud Benaouda, qui pilote le groupe en France et en Italie. Après les pâtes Barilla en 2015, le groupe vient de modifier ses pains Harry’s pour n’utiliser que des oeufs de plein air ou semi-plein air.
Troisième écueil : la texture. Dans la cuisine de Michel & Augustin, il a fallu s’activer pendant un an et tester 52 recettes pour que les mousses au chocolat noir aux oeufs de plein air soient aussi onctueuses et aériennes que les précédentes aux oeufs de batterie.
Pari tenu. Depuis un mois, tous les produits de la marque affichent “oeufs en plein air”. “C’est un sujet de conviction autant que financier, détaille Augustin Paluel-Marmont, cofondateur de Michel & Augustin. Nous avons toujours parlé du rapport qualité prix de nos recettes. Donc, une fois que la conviction était bien ancrée, nous n’avons pas hésité à accélérer nos efforts, malgré le surcoût.“
Enfin, les marques ne communiquent pas toujours sur leurs efforts. Amora mentionne sur ses mayonnaises : “oeufs de poules élevées en plein air”. Saint-Michel fait de même pour ses madeleines. Mais pas Häagen-Dazs, qui depuis son implantation en France, à Arras, il y a 25 ans, n’utilise que des oeufs de plein air. Raison de cette discrétion : beaucoup recourrent aux pontes de poules plein air…étrangères. Délicat à l’heure du “Made in France”. “Les industriels regardent le prix, mais aussi la faisabilité du projet” résume Philippe Juven, qui préside le CNPO. Le plus souvent, la solution la plus simple est d’acheter des oeufs de code 2 (élevage au sol).