
Les producteurs ont réalisé de lourds investissements pour mettre leurs bâtiments aux normes. De grandes enseignes et des industriels déclarent ne plus vouloir à terme se fournir auprès d’eux.
L’effet Monoprix
Ce distributeur a été le premier, en avril 2016, à bannir les oeufs pondus en cages de ses rayons. Depuis, d’autres grandes surfaces et des industriels se sont engagés dans la même voie avec des dates butoirs entre 2022 et 2025. Réel souci pour le bien-être des poules ou stratégie marketing ? En tout cas, cette décision bouscule les producteurs d’oeufs standard. Cette filière regroupe à peine 400 élevages en France dont une majorité dans l’Ouest.
La Bretagne à elle seule abrite 20 millions des 47 millions des poules élevées en cages. « Notre région s’est tournée historiquement vers les poules en cages, indique Pierre-Yves Beaudet, éleveur à Landéhen, dans les Côtes-d’Armor, et président du groupement oeufs de Trikalia. Ailleurs, elle est plus diversifiée et davantage adaptée aux évolutions du marché vers le plein air et le bio. »
Inquiétude
Le virage brutal pris par les acheteurs de la grande distribution provoque de l’inquiétude chez les éleveurs pour la plupart réunis au sein de quatre organisations de producteurs en Bretagne (Sanders, Triskalia, Cecab, Le Gouessant), Agrial en Normandie et Terrena en Pays de la Loire. « Nous ne sommes pas opposés à une évolution du parc vers davantage de plein air et de bio, indique Pierre-Yves Beaudet. Un plan porté par le CNPO, notre interprofession, vise à atteindre une moitié d’oeufs, alternatifs en France à l’horizon 2022 mais il faudra que la grande distribution nous donne un coup de main ».
Convaincre les banquiers
La mise aux normes bien-être des élevages en cages a coûté très cher. Pour un bâtiment de 100 000 poules, la jauge moyenne en Bretagne, l’investissement était de 2 millions d’euros en neuf et 1,2 million d’euros pour le seul remplacement des cages. La plupart des élevages sont en cours d’amortissement. Les producteurs vont avoir du mal à convaincre les banquiers de leur accorder de nouveaux prêts pour aller vers des oeufs plein air. « Les précédentes mises aux normes ont coûté 1 milliard d’euros, rappelle Yves-Marie Beaudet. Il faudra cette fois 500 millions d’euros. L’engagement de 100 millions d’euros demandé à la grande distribution permettra d’apporter la part d’autofinancement de 20 % ».
Lire aussi : Pas d’avenir pour l’élevage sans bien-être animal
Mutation en cours
Les lignes bougent. Dans son élevage de 160 000 poules, Yves-Marie Beaudet est en train de créer une partie plein air avec 40 000 poules et 15 000 poules en bio. Il a fait des échanges parcellaires avec ses voisins pour créer 17 hectares de parcours plein air et 6 hectares pour le bio.