La maltraitance animale est un sujet dont peinent à s’emparer les politiques français. Pourtant, assurent au micro de Wendy Bouchard, sur Europe 1, la philosophe Corine Pelluchon et le député Olivier Falorni, ces questions sont particulièrement d’actualité.
C’était l’une des promesses d’Emmanuel Macron. Pendant la campagne présidentielle de 2017, le candidat LREM s’était engagé à imposer la vidéosurveillance dans les abattoirs afin de vérifier que les animaux ne soient pas maltraités. En mai dernier, pourtant, les députés de la majorité présidentielle ont refusé d’imposer ce dispositif, préférant opter pour une “expérimentation” afin notamment d’éviter de “stigmatiser une profession”. Aussi, certains amendements visant à mettre fin au broyage des poussins vivants, à la castration à vif des porcelets ou encore à l’élevage en cage des poules pondeuses ont été rejetés par les députés.
Mais pourquoi nos politiques sont-ils si frileux à légiférer alors même qu’ils avaient décidé de qualifier en 2015 les animaux “d’être vivants sensibles” et que les citoyens en France et dans le monde sont de plus en plus nombreux à se mobiliser sur ces sujets ? Mardi, au micro de Wendy Bouchard, dans Le tour de la question sur Europe 1, le député Olivier Falorni, président de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français et Corine Pelluchon, philosophe, spécialiste de philosophie politique et d’éthique, tentent de démontrer que le terreau est bien fertile.
Car l’opinion publique est favorable à plus de sévérité
C’est un fait. La maltraitance animale est un sujet qui préoccupe beaucoup les Français. Selon l’Eurobaromètre cité en janvier par le quotidien La Croix, 98 % des Français estiment qu’il “est important de protéger le bien-être des animaux d’élevage”. 88 % des personnes interrogées considèrent aussi que ce bien-être “devrait être mieux protégé qu’il ne l’est actuellement”. Un sondage réalisé en février pour la fondation 30 millions d’amis, confirme la tendance : près de 7 Français sur 10 pensent que les animaux sont mal défendus par les politiques, et sur le compte Facebook d’Europe 1, 92 % des internautes interrogés se disent en faveur d’un durcissement de la loi concernant la maltraitance animale. “Evidemment qu’il faut durcir les lois. Je ne comprends même pas que cela puisse faire débat”, souligne Pascal, un internaute d’Europe 1.fr. “Les animaux ont tout autant le droit au respect et à la bienveillance que les humains. On fait tous partie de cette planète”.
Pour Corine Pelluchon, philosophe, spécialiste de philosophie politique et d’éthique, défendre la cause animale est d’autant plus important que cela va dans le sens de l’histoire. “Ce n’est pas un mouvement superficiel, mais fondamental. Les éleveurs savent qu’aujourd’hui les consommateurs veulent manger moins de viande pour des raisons de santé, d’environnement, de respect de l’animal. Et ils s’interrogent. Il y a une réflexion civilisationnelle”, étaye-t-elle au micro de Wendy Bouchard. “La société civile souhaite plus de transparence sur la façon dont les animaux qu’ils consomment ont été élevés et tués. C’est une cause qui avancera coûte que coûte”.
Selon elle, si les politiques n’avancent pas sur ces questions, ils n’en seront que perdants : “Quand un président s’engage pour quelque chose d’aussi important, qui représente un courant mondial, et qu’il ne tient pas ses promesses, ça érode la confiance dans nos représentants politiques et c’est mauvais pour la démocratie”, ajoute la philosophe. “Il faut vraiment que la cause animale devienne l’une des finalités du politique”.
Car certains pays se sont déjà emparés de la question
Ailleurs dans le monde, et notamment en Europe, des pays ont décidé d’encadrer certaines pratiques nuisant au bien-être des animaux. A partir du 1er octobre, il sera ainsi interdit de vendre des chiots et des chatons de moins de six mois en dehors des élevages professionnels et des refuges animaliers au Royaume-Uni. De cette façon, le gouvernement britannique entend lutter contre l’élevage intensif pratiqué dans certaines fermes.
Autre exemple, en Norvège. Le pays a choisi d’arrêter de produire de la fourrure naturelle d’ici à 2025. Les quelques 250 élevages de fourrure du pays devraient être démantelés de façon progressive. Le Royaume-Uni, l’Autriche, les Pays-Bas ou la Croatie avaient également légiféré dans ce sens.
Cet été, le gouvernement de Wallonie, en Belgique, a décidé d’aller encore plus loin en instaurant sur son territoire un code du bien-être animal, qui doit encore être validé par le Conseil d’Etat. Si c’est le cas, ce sera le premier du genre dans le monde. Parmi les droits des animaux recensés dans ce code : l’interdiction de l’élevage en cage pour les poules pondeuses, la prohibition des manèges à poneys, la reconnaissance d’une sensibilité animale… Côté répression, des peines qui peuvent aller jusqu’à 10 à 15 ans de prison et jusqu’à 10 millions d’euros d’amende sont prévues pour les mauvais maîtres.
“En France, on a fait une avancée en 2015 en modifiant le statut de l’animal dans le code civil. Il reconnaît désormais l’animal comme être vivant ‘doué de sensibilité’ mais il précise qu’il est soumis au régime des biens”, rappelle le député Olivier Falorni. “On a fait la moitié du chemin. Aujourd’hui, il faut avancer vers une personnalité juridique de l’animal, que l’on bascule les animaux des biens vers les personnes. On peut considérer l’animal comme une personne physique non humaine, avec des droits qui ne relèveraient plus du régime des biens”, plaide-t-il.
Car certaines entreprises ont déjà réagi
Certaines entreprises n’ont pas attendu d’être contraintes par l’Etat pour faire évoluer les pratiques. Sensibilisés aux actions chocs d’association comme L214, des géants de la grande distribution français ont pris l’engagement de ne plus vendre aucun œuf de poule élevée en cage dans leurs magasins d’ici à 2025. Certaines chaînes de restaurations ont également banni ces œufs dans leurs préparations.
Dans la mode aussi, certaines enseignes ont décidé d’arrêter de produire de la fourrure naturelle. Ainsi, la créatrice de mode Stella Mc Cartney n’utilise pas de cuir animal, ni de fourrure dans ces collections depuis des années. C’est le cas également d’Armani, de Lacoste, d’H&M ou encore de Zara. “Ils ont compris que certaines personnes refusaient de s’habiller en portant de la torture”, pointe Corine Pelluchon.