260 élevages de poules belges et néerlandais ont été contaminés par un insecticide. Des lots ont été livrés à une entreprise angevine, spécialiste des produits à base d’œufs.
Comment a démarré l’affaire des oeufs contaminés à l’insecticide ?
La crise sanitaire a franchi les frontières de la Belgique et des Pays-Bas, où elle touche 260 élevages de poules pondeuses. Ces poulaillers ont été traités contre le pou rouge, un parasite des poules, avec une matière active, le fipronil, interdite pour les animaux destinés à la consommation humaine.
L’alerte a été donnée en juillet par l’agence de sécurité alimentaire belge. Une enquête judiciaire vise la société néerlandaise de désinsectisation Chickfriend et son fournisseur la société belge Poultry vision, suspectés de fraude. Les élevages contaminés ont été placés sous séquestre. 300 000 poules ont été abattues. Des millions d’oeufs ont été retirés de la vente et détruits aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, gros client des Pays-Bas, en Suède, en Suisse et au Royaume-Uni.
La France est-elle concernée ?
Le marché de l’oeuf frais semble indemne de toute contamination. « Les autorités françaises n’ont pas, à ce jour, d’informations de contamination d’oeufs en coquille et de viande destinés à la consommation », a communiqué, lundi, le ministère de l’Agriculture. Seul un élevage du Pas-de-Calais, fourni en produit de traitement par la société belge incriminée, a été placé sous surveillance. Aucun oeuf issu de cet élevage n’a été commercialisé.
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En revanche, en raison des échanges commerciaux européens, le marché de l’oeuf destiné à la transformation industrielle n’échappe pas à la présence d’oeufs contaminés. À Seiches-sur-le-Loir, l’entreprise angevine Igreca, leader mondial ovoproduits (jaune ou blanc d’oeuf liquide concentré), a importé des lots d’oeufs contaminés en provenance des Pays-Bas, entre le 11 et le 26 juillet, révèle l’enquête de traçabilité du réseau d’alerte européen. Une autre entreprise de la Vienne est concernée. En tout treize lot contaminés ont été importé.
Les ovoproduits sont des ingrédients destinés à l’industrie agroalimentaire (biscuitiers, pâtissiers…) et à la restauration hors domicile. Les produits incriminés seront bloqués et analysés, a annoncé, hier, le ministère de l’Agriculture. Ce dernier saisit l’Agence nationale de la sécurité alimentaire (Anses) pour « un avis sur les risques sur la santé humaine liés à l’ingestion d’oeufs ou de produits contaminés par le fipronil ». L’Organisation mondiale de la santé considère le fipronil comme une molécule « modérément toxique, en grande quantité ».
S’agit-il d’une crise sanitaire majeure ?
Oui, pour les éleveurs belges et néerlandais concernés qui subissent de lourdes pertes. Non, pour la filière française. Elle est la première productrice européenne ( quinze milliards d’oeufs sortent de ses 2 800 élevages) et couvre la totalité de ses besoins.
Le consommateur français avale 240 oeufs par an. Quand il fait ses courses, l’offre proposée est quasi exclusivement tricolore. L’importation qui reste marginale, concerne essentiellement le marché des ovoproduits.
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« Chez nous, la Direction des services vétérinaires veille au grain »
« J’incorpore des extraits de plantes aromatiques et des granules homéopathiques dans l’eau des poules. Ce traitement rend leur sang nettement moins appétissant pour les poux », explique Patrick Hamon, associé avec son épouse Élisabeth dans un élevage de 133 000 poules pondeuses à Saint-Martin-des-prés dans les Côtes-d’Armor.
Président de la section oeufs de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (Fnsea) de son département, il suit avec quelques inquiétudes le développement de l’affaire des oeufs infestés par du fipronil, un insecticide interdit, en Hollande, Belgique et en Allemagne. « Un emballement médiatique pourrait provoquer une psychose chez les consommateurs et avoir des effets négatifs sur le marché ». Le pou rouge est une plaie bien connue en Bretagne où 300 éleveurs produisent un quart des oeufs français avec plus de douze millions de poules. « Cet acarien venu d’Amérique est un problème récurrent, explique l’aviculteur. Un de mes deux bâtiments est régulièrement touché, l’autre reste indemne ».
Extraits d’églantiers
Patrick Hamon utilise Repoulsif, le bien nommé, avec ses extraits de ginseng, de rosa canina (l’églantier des chiens) et d’échinacea purpurea (l’échinacée pourpre) pour éloigner les poux des poules. « Privés de nourriture, ils s’agglutinent et meurent ». L’autre produit naturel antiacarien est le Lentypouplus. « Le coût annuel est entre 2 500 € et 3 000 €, indique l’aviculteur. Dans un contexte de prix tendus où les producteurs ont du mal à dégager des marges, certains se laissent tenter par des substances interdites mais moins chères ».
Dans les Côtes-d’Armor, premier département producteur d’oeufs de l’Hexagone, la Direction des services vétérinaires veille au grain. « Elle est très pointilleuse mais au moins ça permet d’éviter des catastrophes », commente Patrick Hamon. La grande majorité des éleveurs travaille sous contrat avec des groupements chargés de la commercialisation. Ces derniers possèdent leurs propres équipes de vétérinaires. Adhérent d’Armor OEufs du groupe Glon-Sanders, Patrick Hamon livre ses oeufs sous la marque Matines.