Poules: Les oeufs en batterie, est ce que c’est vraiment bientôt fini?

ALIMENTATION Carrefour veut étendre son engagement à ne proposer plus que des œufs issus d’élevage en plein air à tous ses magasins en Europe. L214 s’en félicite, elle qui liste patiemment les industriels tournant le dos à l’élevage en cage…

  • Chaque semaine, de nouveaux acteurs de la filière agro-alimentaire s’engagent à se passer à plus ou moins long terme des œufs issus de poules élevées en cage.
  • Les associations de défense des animaux les encouragent espérant, in fine, pousser les producteurs d’œufs à abandonner ce type d’élevage jugé particulièrement cruel pour les poules.
  • Et ça marche ? Ce jeudi soir, Matines, leader français de l’œuf de consommation, annonce vouloir accélérer sa mutation vers les œufs dits «alternatifs», c’est-à-dire issus d’élevages de plein air et bio.

Après la France, l’Europe. Carrefour a annoncé ce jeudi qu’elle allait étendre à ses magasins européens (9.500 aujourd’hui) sa décision de ne plus proposer aucun œuf issu de poules élevées en cage. En décembre dernier, le géant français de la distribution s’était déjà engagé à cesser la vente en France d’œufs de batterie d’ici 2020 pour sa marque propre et d’ici 2025 pour l’ensemble des fournisseurs de ses rayons.

Ce jeudi, Carrefour annonce étendre sa promesse à l’Espagne, l’Italie, la Roumanie, la Pologne et la Belgique où le groupe est aussi présent. Pour ces cinq pays, Carrefour entend honorer son engagement à l’horizon 2025.

Le processus déjà bien avancé en France

L214 n’a guère attendu pour se féliciter de l’annonce. L’association de protection animale a dénoncé à plusieurs reprises les conditions d’élevage des poules en cage, via des photos et des vidéos de poules dans un état déplorable. Blessée, déplumée et ne voyant jamais la lumière du jour. « Carrefour est un acteur de poids dans la grande distribution, glisse Johanne Mielcarek, porte-parole de l’association en charge de la campagne poules pondeuses. Après que le groupe a communiqué sur la fin des œufs de batterie dans ses rayons en France, en décembre, tous les autres acteurs de la filière avaient rapidement suivi. »

Les objectifs sont-ils tenables ? Dans les colonnes du Figaro, Bertrand Swiderski, directeur RSE, explique que beaucoup d’efforts restent à faire en Espagne, en Roumanie et en Pologne « où la question de l’élevage en batterie des poules n’est pas un sujet chez les consommateurs ». En France, en revanche, où la cause animale a pris de l’ampleur ces dernières années, le processus est d’ores et déjà bien avancé. « Plus de 70 % des œufs que nous vendons aujourd’hui dans l’hexagone sont des œufs issus de poules élevées en plein air, indique à 20 Minutes Carrefour. Une part qui devrait s’accroître encore, le bio ayant la cote en ce moment. »

Il n’y a pas que les œufs de consommation

Mais les engagements de la grande distribution ne portent que sur les œufs destinés directement à la consommation. Ils ne représentent pas la totalité des 47 milliards d’œufs produits chaque année en France, dont 68 % sont issus de poules élevées en cage. Une part non négligeable, 40 % de la production française environ est destiné à l’industrie agroalimentaire dont les produits (biscuits, pâtes fraîches, gâteaux, pizzas…) nécessitent d’utiliser des œufs ou des ovoproduits.

« C’est le principal débouché aujourd’hui des œufs de batteries, explique Johanne Mielcarek. Ces œufs sont souvent fournis sous forme liquide dans des bidons qui ne mentionnent pas obligatoirement s’ils sont issus d’élevage en plein air ou en cage. » La pression du consommateur y est sans doute aussi moins forte, la notion de bien-être animal ne sautant pas forcément aux yeux lorsqu’on achète une pizza ou de la brioche.

Mais même chez les industriels, les prises de conscience s’accélèrent. L214 liste sur son site Internet les sociétés s’engageant à bannir les œufs de batterie. On y retrouve la grande distribution donc, mais aussi des acteurs de l’hôtellerie, de la restauration collective, de la restauration tout court et des fabricants de produits à base d’œufs, certains même n’utilisant d’ores et déjà plus d’œufs de batterie. Comme Amora, Mars (Oncle Ben’s, Suzi Wan…), les desserts Gü, Michel & Augustin…

« Toutes les semaines de nouvelles entreprises s’engagent »

« Toutes les semaines, de nouvelles entreprises s’engagent », assure Johanne Mielcarek. Le 2 novembre, Nestlé s’engageait ainsi à n’utiliser que des œufs de poules élevées en liberté dans tous ses produits d’ici 2025.

Et les récalcitrants sont soigneusement mis sous pression par la L214. Giraudet, le fabricant bressan de quenelles, est en ce moment dans le collimateur. Un site Internet, giraudetstopcruaute.com a été lancé par l’association la semaine dernière et invite les visiteurs à signer une pétition.

En obtenant les engagements de la grande distribution et des industries agroalimentaires, les associations de défense de l’environnement espèrent toucher in fine les producteurs d’œufs et à les détourner des élevages en cage.

Matines veut accélérer sa mutation

Et ça marche ? Matines, leader français de l’œuf de consommation, annonce ce jeudi soir vouloir accélérer sa mutation vers les œufs dits “alternatifs”, c’est-à-dire issus d’élevages de plein air et bio. Actuellement, le groupe produit environ 70 % d’œufs de poules élevés en cages et 30 % d’œufs issus d’élevages en plein air et bio. Il souhaite à terme inverser cette proportion, indique un porte-parole du groupe à l’AFP. Matines explique cette mutation par le souci de s’adapter à un marché qui « tire désormais sa croissance des œufs alternatifs ».

« Pour la première fois, c’est le marché lui-même qui pose des limites à ce qu’on fait subir aux animaux alors que la loi, elle, autorise toujours les élevages en batterie », s’enthousiasme Johanne Mielcarek.

L214 vise alors une fin des élevages en batterie des poules en Europe d’ici une dizaine d’années. Le premier étage de la fusée ? Johanne Mielcarek l’espère : « Aux Etats-Unis, la vague d’engagements pour le bannissement des œufs de batteries s’est déroulée il y a déjà deux ans. Désormais, ces mêmes acteurs de l’industrie agroalimentaire s’engagent pour un meilleur traitement des poulets d’élevage, abattus pour leur viande. »

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