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Poules en cages : le gouvernement couve un nouveau recul

Un projet de décret du ministère de l’Agriculture sur les modalités d’interdiction des nouveaux élevages de pondeuses en batterie inquiète les associations de défense animale. En cause : une interprétation restrictive de la loi (ré)autorisant le réaménagement des élevages.

Voilà qui va faire caqueter. Un peu moins d’un an après l’adoption de la loi agriculture et alimentation, dite «Egalim», le gouvernement prépare un décret d’application, vu comme un énième recul pour les défenseurs des animaux, ici d’élevage. En effet, selon l’antenne française de l’association Compassion in World Farming (CIWF) un projet de décret du ministère de l’Agriculture, attendu depuis l’été, doit préciser les modalités de l’interdiction des nouveaux élevages de poules pondeuses en cage ou de leur réaménagement, entérinée par le législateur. Cependant, le texte (ré)autorise en fait le réaménagement des bâtiments existants d’un élevage de pondeuses puisqu’il n’interdit que «la réalisation de tous travaux ou aménagements conduisant à augmenter la capacité de production du bâtiment»comme relevé par le site Contexte – qui s’est d’ailleurs procuré le document.

Une interprétation restrictive et en régression par rapport aux maigres avancées consacrées par la loi«C’est en totale contradiction avec ce qui a été voté par les parlementaires, déplore Agathe Gignoux, de CIWF, qui mène la campagne européenne pour l’interdiction de l’élevage en batterie, toutes espèces animales confondues. Avec ce projet de décret, l’interdiction de tout nouveau dispositif de cage ne s’appliquerait plus qu’aux élevages qui veulent s’agrandir. Cela signifie donc qu’un éleveur peut refaire toutes ses cages à neuf et repartir sur un investissement de 20 ans : on est loin l’engagement du président de la République de faire disparaître les élevages de poules en batterie.» Un sentiment partagé par la cofondatrice de L214, Brigitte Gothière : «Malheureusement, cela ne nous étonne pas trop du gouvernement. La moindre avancée est freinée pour les animaux. Pourtant, les Français se prononcent majoritairement sur l’interdiction de l’élevage en batterie. On ne peut donc compter que sur les engagements des industriels et de certains éleveurs.»

Rappelons, à ce sujet, qu’Emmanuel Macron s’était engagé à interdire d’ici 2022 ce mode d’élevage, le moins respectueux des besoins physiologiques des gallinacées et le plus répandu en France. Mais cette mesure, souhaitée par les défenseurs des animaux, n’a pas survécu à l’examen de la loi agriculture et alimentation dans l’hémicycle. Et ce malgré le soutien de quelques parlementaires macronistes. Mi-juillet, une vingtaine d’élus de la majorité, emmenés par la députée de Savoie Typhanie Degois ont d’ailleurs adressé un courrier au ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, pour faire «respecter la volonté du législateur». Auront-ils l’oreille du ministre comme les représentants de la filière avicole ? Le ministère de l’Agriculture, sollicité par Libération, n’a pour l’heure pas donné suite à nos questions. Quant aux associations militant pour le bien-être animal, comme CIWF, pourtant membre du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Cnopsav, une instance consultative), la coupe est pleine. «On a du mal à faire avancer la cause animale avec ce gouvernement, conclut Agathe Gignoux. On nous fait part d’annonces depuis des mois, mais on ne les voit pas venir. On n’est pas concertés, il n’y a eu aucun échange, on ne nous considère pas. Or il est temps de prendre en compte l’importance du bien-être animal pour retrouver de la sérénité entre les éleveurs et la société.»

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