Suite aux Etats-Généraux de l’Alimentation, le CNPO a réuni ses partenaires pour élaborer son plan de filière. Au menu : la transformation des productions code 3, le développement des productions alternatives, l’intégration de l’aval au sein de l’interprofession et la recherche de nouveaux débouchés. Philippe Juven et Maxime Chaumet, respectivement président et secrétaire général du CNPO, décortiquent les grandes orientations.
Inclure l’aval dans la contractualisation
Comment se sont déroulées les discussions pour la constitution de ce plan de filière ?
Philippe Juven : On est parti du contrat sociétal d’avenir, puisqu’en 2016 le CNPO travaillait déjà sur l’évolution de la filière et des élevages pour répondre aux attentes sociétales. Dans le cadre des États-Généraux de l’alimentation, nous sommes donc arrivés avec un document qui correspondait à peu près à l’esprit de ce qu’il était demandé aux filières. De même, les discussions étaient déjà entamées, que ce soit au sein de l’interprofession ou avec les partenaires extérieurs comme la grande distribution, la RHD ou l’industrie.
Certains sujets étaient-ils plus sujets à débats que d’autres ?
Philippe Juven : Oui, notamment l’aspect relatif à l’accompagnement financier de la transition des élevages. Nous allons devoir reconvertir une partie de nos bâtiments, et compte tenu du taux d’endettement de nos éleveurs, nous souhaitons que la contractualisation leur donne les moyens de transformer leurs élevages.
En effet, selon une enquête de l’Itavi, 17 % des éleveurs de poules en cages devraient finir d’amortir leurs travaux (liés à la mise aux normes de 2012) en 2018. 40 % finiront d’amortir ces investissements en 2022 en moyenne. Enfin, 43 % des éleveurs en code 3 — notamment ceux ayant construit des bâtiments neufs — finiront en 2025. L’enjeu financier est donc bien réel.
Vous souhaitez engager l’élargissement du CNPO à l’aval de la filière, que peut-on en attendre ?
Philippe Juven : Élargir l’interprofession à l’aval devrait permettre de renforcer les échanges, discuter et préparer l’avenir. Nous espérons rendre les discussions plus efficaces, notamment sur les questions financières et la mise en place de la contractualisation.
De quels moyens disposez-vous pour rééquilibrer le rapport de force avec la grande distribution ?
Philippe Juven : Il existe une très forte concentration de la demande au sein de la grande distribution alors qu’au niveau de l’offre, c’est plus atomisé. Nous ne parviendrons pas à changer les choses sur le plan uniquement commercial. Par contre, en élargissant l’interprofession, nous pourrons discuter sur un principe de contrat type ou d’accord-cadre pour permettre de mieux équilibrer les relations commerciales.
On observe un intérêt grandissant pour les marchés de proximité, notamment en RHD au sein des collectivités. Cette tendance vous permet-elle de rééquilibrer le rapport de force avec la distribution ?
Philippe Juven : Même si différentes enseignes ont développé des volumes avec des producteurs locaux, les négociations se font toujours au niveau national avec des entreprises nationales. Et ces démarches restent marginales.
En revanche, des liens directs se créent avec la RHD et les collectivités au niveau régional. Les entreprises doivent néanmoins avoir une certaine taille pour être capables d’apporter des quantités importantes et de façon régulière. On observe cette tendance avec le développement des productions alternatives, qui se fait dans les bassins historiques, mais aussi dans les nouvelles régions de production pour être au plus près des bassins de consommation.
Transformer 10 millions de pondeuses en cage vers l’alternatif
En 2016, près de 70 % des œufs sont produits en cage, 18 % en plein air et le reste au sol et en bio. Qu’en sera-t-il dans cinq ans ?
Philippe Juven : Notre objectif est qu’au moins 50 % des œufs soient issus d’élevages alternatifs. Cela inclut le bio, le plein air, le Label rouge, mais également la production au sol. Actuellement, un tiers de la production d’œufs est issue d’élevages alternatifs et deux tiers de poules en cages. Le défi est important puisqu’il représente la transformation de 9 à 10 millions de poules pondeuses.
Cet objectif est-il amené à évoluer dans les années suivantes ?
Philippe Juven : Cet objectif a été fixé pour prendre en compte les capacités économiques et matérielles de la filière et repose sur un soutien financier de la part de nos partenaires — distribution et industrie —. Cependant, 2022 est une étape et la progression des productions alternative se poursuivra au-delà. Cet objectif repose également sur la proportion d’éleveurs ayant fini d’amortir leurs installations, et qui devrait pouvoir être plus à même de faire de nouveaux investissements pour transformer leurs bâtiments.
Faut-il également anticiper une évolution de la demande sur les segments RHD et ovoproduits ?
Maxime Chaumet : Les ovoproduits correspondent effectivement à 40 % de la consommation d’œufs en France. Par ailleurs, 47 % des œufs coquilles sont des achats des ménages et 9 % sont destinés à la RHD et enfin l’autoconsommation représente 4 % de la consommation. Le volet achat des ménages est donc le pan le plus important de la consommation d’œufs en France, avec le volet ovoproduit.
Les ovoproduits suivent la tendance générale au profit des productions alternatives, avec 23 % d’œufs issus d’élevages alternatifs contre 8 % il y a cinq ans. Ce sont principalement des œufs plein air et des œufs de poules au sol. La part du bio se maintient autour de 1 % depuis plusieurs années et ne semble pas se développer davantage aujourd’hui. En outre, plusieurs chaînes de restauration, des industries agroalimentaires et des distributeurs se sont également engagés à utiliser des œufs alternatifs à la cage pour leurs produits transformés. La tendance va donc très probablement se prolonger, même s’il est difficile aujourd’hui d’estimer les volumes concernés dans les cinq ou dix ans à venir.