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Maltraitance animale : dans une vidéo choc, L214 épingle le leader des œufs

L’association de lutte contre l’exploitation animale épingle pour la troisième fois le leader français du marché des œufs, Matines, alors que les députés doivent se prononcer la semaine prochaine sur une éventuelle interdiction de l’élevage en batterie, dans le cadre du projet de loi sur l’alimentation.

Photo L214.

C’est la première des trois vidéos qui seront rendues publiques cette semaine. On y voit des corps déplumés, des plaies à vif, des animaux agonisants, mais aussi des cadavres dans les cages, des cadavres au sol, des cadavres dans une poubelle, le tout dans un univers sordide. Cette vidéo, mise en ligne ce lundi matin par l’association de lutte contre l’exploitation animale L214, témoigne, une fois encore, des très mauvaises conditions dans lesquelles vivent les poules pondeuses élevées en batterie.

Ces images ont été tournées début avril dans une exploitation de la Somme, un site sur lequel s’entasseraient quelque 460 000 volatiles. Contacté par Libération, l’exploitant estime que son élevage «répond aux normes du bien-être animal», ce qui a été validé par «cinq audits». Si des cadavres jonchent le sol, c’est, dit-il, «normal» :les poules mortes sont mises par terre avant d’être ramassées puis jetées.

Matines épinglée pour la troisième fois

Cet éleveur est l’un des 370 fournisseurs de la marque française Matines, leader des œufs coquille (vendus en barquette) avec 3 milliards d’œufs produits chaque année. Matines est épinglée ici pour la troisième fois par L214 : en mai 2016, l’association dénonçait les conditions de vie atroces dans lesquelles survivaient 200 000 poules élevées dans un Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) de l’Ain approvisionnant Matines. Puis, en décembre 2017, l’association pro-animaux livrait des images du même acabit provenant d’un exploitant des Côtes-d’Armor, fournisseur lui aussi de la marque.

Après ces affaires, le groupe Avril, et Matines, sa filiale, n’ont cessé de rappeler leurs «engagements en faveur du bien-être des animaux». Le groupe Avril a même pondu un document intitulé «Politique en faveur du bien-être des animaux d’élevage», longue succession de déclarations d’intention aussi vagues que creuses.

David Cassin, directeur de la qualité chez Matines, explique que l’élevage aujourd’hui pointé du doigt par L214 fait partie des partenaires historiques de la marque. Pas de commentaire supplémentaire concernant cet éleveur, faute d’avoir pu visionner les images (auxquelles Libération a eu accès en primeur). «Mais, souligne David Cassin, nous avons engagé en 2017 une procédure spécifique, incluant des critères sur le bien-être animal, visant à vérifier la tenue de l’ensemble des élevages auxquels nous faisons appel ». Il reconnaît : «Concernant l’élevage des poules en cage, on est à la fin d’un cycle. Mais on ne peut pas arrêter du jour au lendemain.» Et d’évoquer prudemment 2025 comme possible date butoir pour Matines, tout en admettant qu’un tel délai «est toujours trop long pour le consommateur»….

Image tirée d’un film tourné par l’association L214, dans un élevage de poules pondeuses situé dans la Somme.

En Bretagne, en Normandie…

C’est bien pour accélérer les choses que L214 entame une semaine d’actions contre l’élevage en batterie, sachant qu’en France, 69 % des poules pondeuses vivent encore en cage. Jeudi 17, l’association diffusera des images provenant d’un élevage situé en Normandie. Dimanche 20, une troisième vidéo tournée en Bretagne sera présentée par une star du grand écran, nouvelle preuve que des personnalités françaises n’hésitent plus à s’engager pour la cause animale.

Cette mobilisation répond à un timing précis : «La semaine prochaine, dans le cadre de l’examen du projet de loi sur l’alimentation, les députés seront appelés à voter pour ou contre l’interdiction des élevages de poules en cage», explique Brigitte Gothière, cofondatrice de L214. On parle là des réalités de la vie de plus de 33 millions de poules. Cette filière est très en retard par rapport à la demande sociétale, puisque 90% des Français se déclarent opposés à cette forme d’élevage.»

Image tirée d’un film tourné par l’association L214, dans un élevage de poules pondeuses situé dans la Somme.

La France à la traîne

Le candidat Macron s’était engagé à interdire l’élevage de poules en batterie d’ici à 2022. Devenu Président, ce projet lui semble visiblement moins urgent. De même, tous les amendements concrets qui auraient pu changer les conditions d’élevage, de transport et d’abattage des animaux, ont été retoqués par la Commission des affaires économiques chargée d’examiner le projet de loi issu des Etats généraux de l’Alimentation. C’est ainsi que le contrôle vidéo obligatoire dans les abattoirs (autre promesse de campagne d’Emmanuel Macron) est passé à la trappe, alors qu’une telle mesure vient d’entrer en vigueur en Angleterre. La Wallonie va quant à elle interdire toute création d’élevage de poules pondeuses en cage ; les quelques exploitations existantes devront, à terme, cesser leur activité. L’Autriche et l’Allemagne sont engagés sur la même voie.

Mais la France reste à la traîne. Le dossier bien-être animal fait parfois encore ricaner, comme ce fut le cas le 19 avril devant la Commission des affaires économiques. Défendant l’élevage en batterie, évoquant même le concept de «volailles joyeuses», le député Thibault Bazin (LR) plaisantait, à propos de la vie des poules en cage : «Et puis, en bâtiments, il y a un truc sympa : les copains ! Les poules sont des animaux très sociaux… »

Sarah Finger

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