La filière oeuf face à un double défi

D’ici 2022 à 2025, la filière oeuf va devoir profondément changer son schéma de production pour répondre aux attentes sociétales, tout en restant compétitive. Et ceci avec un manque de visibilité sur l’évolution des marchés.

L’élevage au sol en code 2 est peu développé en France. Aux Pays-Bas et en Allemagne, il a remplacé le code 3 et représente 60% de la production. – © Pascal Le Douarin

L’oeuf en code 2 (sol) va-t-il remplacer le code 3 (cage) ? Cette question fondamentale, à laquelle personne ne peut répondre précisément pour l’instant, va pourtant orienter les choix d’investissement des producteurs équipés de cages aménagées. La grande distribution s’est engagée à ne plus commercialiser de code 3 d’ici 2025, y compris, pour la plupart des enseignes, les oeufs sous marque nationale et les premiers prix. Certaines ont déjà arrêté ou le font progressivement (marques distributeurs) et à plus courte échéance (2020-2022). Le secteur de l’industrie a également commencé à basculer vers le “hors cage”. La RHD est aussi concernée, mais en décalé et dans une moindre mesure. « Cela implique un basculement violent de la production en l’espace de sept ans », a relevé Pascale Magdelaine, de l’Itavi, lors d’une réunion organisée avec l’interprofession CNPO lors du Space. « On risque à terme d’arriver à un schéma proche de celui des Pays-Bas, où la part des oeufs produits en cages s’est réduite à 10 %. » Chez nos voisins néerlandais et allemands, pour qui le basculement vers l’alternatif a eu lieu il y a dix ans, le code 3 a été en grande partie remplacé par le code 2 (60 % de la production en volières). Mais en France, ce segment peine à décoller. Il n’est pas du tout connu du grand public. Difficile alors pour le producteur de décider comment reconvertir son bâtiment. Encore faut-il qu’il soit amorti. L’élevage sur parcours (plein air, label rouge ou bio) ne pourra pas totalement compenser l’arrêt de la cage pour des raisons foncières, économiques (perte de capacité) ou techniques. « Les éleveurs sont dans le flou, confirme Philippe Juven, président du CNPO. Il y a encore trop de questionnements qui freinent la reconversion. La transition vers le modèle alternatif relève d’enjeux sociétaux et de compétitivité, la France étant le premier pays producteur européen. Ce virage doit être réussi à la fois sur les plans techniques et économiques. »

Mutation vers les marchés alternatifs

Afin d’éclairer les producteurs, l’Itavi mène actuellement une enquête auprès des metteurs en marché et des acheteurs. « L’objectif est d’élaborer une vision du marché à l’horizon 2025 et de parvenir à un chiffrage de la segmentation », explique Pascale Magdelaine. L’économiste a présenté une synthèse des entretiens des acheteurs. L’étude sera restituée début novembre lors d’une réunion du CNPO. « En GMS, les échéances de basculement ont été clairement énoncées. Il y a aujourd’hui des discussions entre les metteurs en marché et la distribution pour valider la faisabilité et le rythme de la transition. Le point positif est que cela encourage à la contractualisation sur plusieurs années. » Le contexte est différent pour le secteur de la RHD. « Les grands opérateurs (chaînes de restauration), qui sont aujourd’hui à 95 % en code 3, ont pris des engagements à l’échelle mondiale pour 2025. La valorisation des surcoûts sera plus ou moins facile selon les pays. Et ceci même au sein de l’Europe, tous les états membres n’étant pas aussi sensibles au mode de production. » À l’inverse des industriels, la RHD n’a pas la culture de la contractualisation amont. ” Ils craignent d’être les derniers servis (surtout pour le code 2). Le recours aux importations n’est pas à exclure s’il y a un déséquilibre en code 2. » À la question « par quoi remplacer la cage ?”, les réponses sont très variables. « Certaines GMS partiront sur du code 2 en premier prix et une marque distributeur en code 2 + (avec jardin d’hiver). D’autres veulent surtout développer le plein air et le bio. »

Pour la RHD et l’industrie, tout dépend du produit et de sa part en oeuf (par exemple, les fabricants de mayonnaises voudront surtout du plein air). « Il y aura beaucoup de marchés à plusieurs vitesses. »

Une place à prendre pour le code 2

Que ce soit en oeuf coquille ou en ovoproduit, le code 2 a indéniablement une place à prendre. « Il faudra bien continuer à proposer un premier prix (30 % du marché aujourd’hui). Cela ne peut être qu’avec du code 2. » En développant le code 2, le marché français serait enfin en cohérence avec les autres pays de l’Union européenne. Il reste à mieux faire connaître ce mode d’élevage au sol. Ce sera un des axes de communication du CNPO.

 

 

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