“La crise du fipronil a gonflé le prix du jaune d’œuf de 250 %” (Belgique)

Jean Eylenbosch © BELGA

Incertitudes liées au Brexit, pression fiscale, e-commerce, crise du fipronil: Jean Eylenbosch, président de la fédération de l’industrie alimentaire, pointe plusieurs signaux à l’orange.

Avec ses quelque 50 milliards de revenus, ses 89.000 salariés, ses 1,6 milliards d’investissements (+ 11 %), le secteur de l’alimentation, avec ses plus de 4.500 entreprises (dont 96 % de PME) aux activités très diversifiées, est un des fers de lance de l’industrie belge.

CV EXPRESS

  • Jean Eylenbosch est né le 24 janvier 1959.
  • Licencié en droit (UCL), il pratique le métier d’avocat de 1984 à 2000.
  • Mars 2000: entre chez Coca-Cola Enterprises Belgium.
  • 20 octobre 2015: il devient président de la Fevia.
  • Jean Eylenbosch est également gérant de Chaudfontaine.

Mais des nuages pointent à l’horizon. La Fevia, la fédération de l’industrie alimentaire belge, serine depuis pas mal de temps déjà ses mises en garde contre le “mille-feuilles de taxes” qui pousse de plus en plus le consommateur à faire ses achats à l’étranger.

En 2016, les achats transfrontaliers ont ainsi augmenté de 8%, et même de 22 % pour les alcools.

Mais d’autres préoccupations taraudent les acteurs du secteur. A commencer par la crise du fipronil. Certes, celle-ci a été bien gérée, avec un système d’autocontrôle de traçabilité qui a plutôt bien fonctionné. Mais l’affaire a entraîné une chute de la production d’œufs. A demande constante, la conséquence est facile à tirer: les prix se sont envolés.

“Par rapport au début de la crise, en août dernier, le prix officiel de l’œuf a augmenté de 100 %. Mais pour les jaunes d’œufs par exemple, on a eu des augmentations de prix imposées par les fournisseurs allant jusqu’à 250%. C’est énorme, en particulier pour des PME pour lesquelles le jaune d’œuf est un ingrédient essentiel, comme par exemple la mayonnaise”, souligne Jean Eylenbosch, le président de la Fevia.

L’impact sur les coûts est évidemment très lourd, mais les entreprises sont aussi confrontées à un autre problème, rappelle Jean Eylenbosch: celui de pouvoir répercuter cette augmentation sur les prix appliqués en aval. “On connaît la dureté des distributeurs en négociations. Il y a moyen de négocier avec certains distributeurs, mais avec d’autres c’est beaucoup moins évident, dit-il.

Consolidations

Une allusion à peine voilée au groupe Ahold-Delhaize. “Avec les consolidations sur le marché, la pression sur les producteurs est plus forte. Depuis la fusion Ahold-Delhaize, on sent que les autres acteurs deviennent plus nerveux.”

Sans oublier le développement de l’e-commerce, qui ajoute une pression supplémentaire. “Il y a des plateformes qui s’attaquent de plus en plus à l’alimentation”, souligne Jean Eylenbosch. Qui rappelle que le contexte fiscal complique déjà la vie des entreprises.

“Avec les consolidations sur le marché, la pression sur le secteur alimentaire est plus forte.”

JEAN EYLENBOSCH, PRÉSIDENT DE LA FEVIA

“Quand on voit l’évolution globale du secteur, l’exportation se développe et continue à progresser. Mais le marché intérieur se tasse. Nous disons au politique qu’il est en train de chasser le consommateur au-delà de nos frontières. Et je ne parle pas encore de l’e-commerce, dont on reparlera dans les années à venir”, insiste le président de la Fevia.

Comment corriger le tir? Il faudrait idéalement une plateforme belge, mais nous avons trois guerres de retard. Il est plus que temps de bouger, sans quoi nous serons tout à fait dépassés, lance Jean Eylenbosch. Qui relance la nécessité d’un climat fiscal plus accueillant.

Et pour lui, la balance entre recettes et dépenses ne doit pas nécessairement être équilibrée. “La part des dépenses publiques n’a fait qu’augmenter depuis 2000, pour un résultat qui n’est pas vraiment concluant. Il suffit de voir l’état des routes. On peut faire mieux. Je crois donc qu’il faut abandonner le principe de la neutralité budgétaire et qu’il faudra faire des choix. Pour les PME, c’est une question de survie.

D’autant que si les exportations marchent bien, le Brexit fait lui aussi peser des incertitudes. Le Royaume-Uni représente en effet 10 % des exportations des entreprises alimentaires belges, ce qui en fait le 4e marché extérieur après la France, l’Allemagne et les Pays-Bas.

“Certaines entreprises ont déjà subi une petite diminution de leurs exportations, dit Jean Eylenbosch. Mais la grande préoccupation du moment, c’est l’évolution de la livre sterling. À terme, la libre circulation des personnes peut aussi poser problème, de même que tout ce qui touche à la sécurité alimentaire.”

Source: L’Echo

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