Il faudra des millions d’euros pour sortir les poules de leurs cages

La dure vie des poules pondeuses en cage conduit certains consommateursà changer leur comportement d’achat en se tournant vers le bio et les élevages en semi liberté. De son côté, la grande distribution fait pression sur la filière pour qu’elle se convertisse de manière accélérée vers d’autres formes de production. Cette dernière y est favorable tout en mettant en avant le coût économique de cette conversion avec la construction de nouveaux bâtiments complétés par des parcours attenants. Ce qui se traduira par une augmentation du prix de revient de l’œuf que les grandes enseignes n’ont pas envie de payer.

Selon l’interprofession des œufs, qui tenait hier une conférence de presse, l’œuf de poule est consommé régulièrement par 96% des Français qui en mangent en moyenne 218 par an. Cela fait plus d’un œuf tous les deux jours, mais une bonne partie de cette consommation n’est pas visible par le consommateur lui-même. Car il mange aussi des pâtisseries et d’autres mets culinaires contenant des œufs, sans oublier la mayonnaise. Ainsi 14,3 milliards d’œufs sont vendus chaque année sur le marché français quand on ajoute aux achats des ménages, ceux des professionnels de la restauration et de l’industrie agroalimentaire. 72% des Français estiment que les œufs sont indispensables à l’alimentation humaine. 93% ajoutent qu’il s’agit d’un produit naturel et 84% disent qu’ils en cuisinent au moins une fois par semaine. Mais on sait aussi que les informations diffusées sur le vécu quotidien des poules pondeuses en cage ne donnent pas une très bonne image de la filière. A l’affut de tout ce qui peut améliorer leur image sans que cela leur coûte un centime d’euro, les enseignes de la grande distribution se saisissent des attentes de consommateurs pour pousser les éleveurs à en finir avec les cages. C’est pour cela que l’Interprofession tente d’obtenir l’accord de l’aval pour la soutenir dans une conversion progressive qui ferait une place plus grande et plus visible au bien-être animal. Une telle conversion ne peut se faire rapidement car elle nécessite des investissements conséquents dans de nouveaux bâtiments.

68% des œufs sont pondus par des poules en cage

En octobre 2016 a été lancé un « Contrat sociétal  d’avenir ». Actuellement, les œufs achetés par les ménages français proviennent à hauteur de 52% des élevages dits standards où les poules vivent en cage. Mais quand on y ajoute les achats d’œufs du secteur industriel, 68% des œufs pondus en France le sont par des poules en cages. En effet, entre 80 et 90%  des œufs livrés à l’industrie agroalimentaire comme à la restauration collective proviennent des cages. 14% des œufs achetés par les ménages sont issus d’élevages convertis à l’agriculture biologique et 21% proviennent d’élevages de plein air sans être bio. Mais, rapportée à la production totale d’œufs, le bio représente 8% des volumes et l’élevage de plein air 13%.

Prenant appui sur cette progression, la filière souhaite que 50% des œufs vendus aux ménages ne soient plus pondus par des poules vivant plus en cage d’ici 2022. Il s’agit de modifier le système d’élevage et de production pour 10 millions de poules en cinq ans sur un effectif total de plus de 42 millions. Ces 42 millions de pondeuses produisent plus de 14 milliards d’œufs par an, couvrant ainsi la consommation française à hauteur de 101%. Au sein de l’Union européenne, la France occupe la première place dans la production d’œufs de poule devant l’Italie avec 13,2 milliards d’œufs  et l’Allemagne avec 13 milliards.

Les vents d’œufs bios en progression

En 1996, seulement 6,3%  des œufs étaient produits en France hors des cages contre 32%  en 2015. Passer à 50% d’ici 2022 nécessite d’investir 100 millions d’euros par an  sur cinq ans et de pouvoir vendre les œufs un peu plus cher afin de couvrir des coûts de productions plus élevés. C’est à ce prix que l’on fera progresser le bien-être animal. Si les consommateurs disent à travers les sondages qu’ils sont prêts à mettre 10 centimes de plus dans une barquette de six oeufs, les distributeurs sont beaucoup plus réticents au moment des négociations annuelles sur les prix qui permettent aux fournisseurs d’être référencés pour douze mois dans les magasins des grandes enseignes.

Notons enfin que les ventes d’œufs bios ont progressé de 12, 9% sur un an et les œufs de plein air (hors label rouge) de 9,1% sur la même période. Doit-on en conclure qu’il sera possible de dire aux négociateurs des centrales d’achat « d’aller se faire cuire un œuf » s’ils ne veulent pas mettre dans la douzaine d’œufs le prix du bien-être animal ? Il est trop tôt pour le dire aujourd’hui. Mais pas trop tard  pour évoquer l’origine de la formule à l’attention des jeunes générations.

Jadis, la cuisine était le domaine réservé de la femme qui travaillait rarement  à l’extérieur. Le mari critiquait parfois ce qu’elle avait préparé pour le repas. En pareil cas, il arrivait que l’épouse conseille au mari de se faire cuire un œuf, vu que cela ne nécessite guère de disposer d’un savoir culinaire. Pour la femme, c’était aussi une manière de demander à l’homme de la laisser en paix.

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