Fipronil: le fermier désespéré

Pascal Butez est éleveur de poules à Saint-Tricat. Mais peut-être faudra-t-il bientôt dire « était ». En effet, Pascal Butez a subi voilà un an un coup dur dont il cherche encore à se remettre aujourd’hui : il a appris que l’un des lots de poules qu’il venait d’acquérir via un fournisseur Belge était contaminé au fipronil, cette molécule toxique. Depuis 13 mois que le scandale a éclaté, la vie n’a pas été facile pour cet agriculteur de 53 ans.

«  J’ai tout de suite contacté la DDPP quand j’ai appris qu’il y avait eu une contamination en Belgique et que j’ai su que mes poules étaient contaminées. Il a fallu que la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations) vienne faire des prélèvements  ». La molécule se propageant rapidement sur les œufs, il prend vite conscience de l’ampleur de la catastrophe. «  Aucun œuf n’est sorti de mon élevage  », poursuit-il.

Pendant les premiers jours, les poules commencent tout de même à pondre. Après quelque temps, on parle de 60 000 œufs par jour, soit quelque 50 tonnes, d’après Pascal Butez. Très vite, les discussions avec la DDPP le mettent face à la dure réalité : il faudra détruire tous les œufs produits, et la question des poules se pose également «  Ils faisaient des prélèvements toutes les semaines pour voir si le taux de fipronil avait diminué et s’il allait falloir abattre les poules  ». Les 30 000 animaux seront abattus.

« J’ai dû licencier mon salarié… et en tant qu’agriculteur, je n’ai même pas le droit au chômage »

Après ces premières étapes, la question devient rapidement de savoir ce qu’il faut faire pour pouvoir reprendre son élevage. «  On a lancé au mois d’octobre des nettoyages des locaux. Mais le problème, c’est que le fipronil est une molécule très difficile à enlever des surfaces.  » Des nettoyages sont lancés, avec des tests réguliers. «  On en a d’abord fait 8, mais ça n’a pas été suffisant  », déplore-t-il. Le dixième vient de se terminer. «  Le problème, c’est que la molécule du fipronil ne se dissout pas. Donc les produits ne servent qu’à la décrocher des surfaces pour l’évacuer ensuite. Cette fois-ci, ils sont en train d’en essayer un nouveau. C’est une entreprise belge qui s’est déjà occupé d’autres élevages, et ils m’ont assuré que ce nouveau produit avait fonctionné.  »

Aujourd’hui, Pascal Butez enrage contre ce coup du sort, qui ne lui a laissé aucune chance : «  Je n’y suis pour rien, le produit qui contenait le fipronil était végétal et avait une mention bio…  » Il peine à garder espoir, et envisage même de placer son entreprise en liquidation judiciaire. «  J’ai déjà dû licencier mon salarié. Les poules constituaient l’essentiel de mon revenu, et comme je suis agriculteur, je n’ai même pas le droit au chômage…  », lâche-t-il. Il dispose de terres aux alentours de sa ferme, mais pas de quoi s’assurer un revenu décent. Seul rayon de soleil dans ce triste tableau : le soutien de ses confrères. «  Il y a eu une grande solidarité des agriculteurs locaux, qui sont venus m’aider quand il a fallu emmener les œufs à détruire, par exemple.  »

Aujourd’hui, quelle est la situation ? «  En janvier, j’ai été reçu par le ministre, qui m’a assuré qu’on ne me laisserait pas tomber, mais j’ai l’impression qu’on ne s’occupe pas beaucoup de moi, d’autant que je suis le seul français concerné… Aujourd’hui, tout est remis en question, jusqu’à l’avenir de mes enfants : j’ai un garçon plus grand qui se demande s’il va pouvoir reprendre l’exploitation…  »

En théorie, la porte de sortie pour Pascal Butez réside dans les poursuites envers le fournisseur des poules contaminées. Mais celui-ci est Belge, et l’origine de l’intoxication vient des Pays-Bas. Autant dire qu’il faudra un certain temps avant que Pascal Butez puisse espérer un quelconque remboursement par la justice des pertes économiques subies suite à cette catastrophe. Un temps dont l’éleveur de Saint-Tricat ne dispose pas.

Sylvain Mionnet

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