Attentisme et pessimisme, voilà ce qu’aurait généré les Etats généraux de l’alimentation pour près de la moitié des agriculteurs. C’est ce que révèle un sondage* Ipsos / AgriAvis. Les attentes concernent notamment l’évolution des filières et règles de fonctionnement. Si les différences sont nombreuses selon les filières ou les tailles des exploitations, un élément fait consensus : le modèle agricole français doit évoluer vers des nouvelles pratiques et se démarquer pour se pérenniser.
De l’attente, mais pas d’élan optimiste
Au lendemain des États généraux de l’alimentation, qui se sont clôturés le 21 décembre dernier, les agriculteurs ont fini l’année 2017 avec un moral toujours bas mais en sensible progression toutefois : la part d’agriculteurs ayant le moral au plus bas est en baisse de 10 points par rapport au début d’année 2017.
19% des agriculteurs interrogés affirment avoir le moral « au plus bas » fin 2017, une amélioration de 10 points par rapport à février 2017.
On note également un meilleur moral chez les éleveurs et les agriculteurs plus jeunes (moins de 40 ans) : près d’un quart d’entre eux déclare avoir le moral au beau fixe.
Dans ce contexte plutôt favorable, les États généraux de l’alimentation participent-ils à cette embellie ? La réponse est mitigée selon les agriculteurs interrogés : les États généraux suscitent surtout de l’attentisme (49%) ou du pessimisme (46%).
Les filières courtes ou locales, le modèle agricole de demain ?
Mais alors, que souhaitent privilégier les agriculteurs pour le modèle agricole de demain, et quelles orientations prendre pour répondre à leurs besoins ? Dans l’ensemble, les agriculteurs sont favorables au développement de filières courtes ou locales (63%). La mise au point de solutions pour améliorer la productivité est souhaitée par 45% des répondants. Améliorer la qualité (sanitaire et nutritionnelle) et diversifier les produits sont aussi des voies à privilégier selon près d’un tiers des agriculteurs.
63% des agriculteurs sont favorables au développement de filières courtes ou locales, modèle privilégié pour les plus petites exploitations.
Ces attentes sont toutefois à nuancer selon les types d’exploitations agricoles. Si le développement de filières courtes ou locales est une priorité très marquée pour les éleveurs (66%) comme pour les exploitations de moins de 100 hectares (72%), les agriculteurs en grandes cultures souhaitent avant tout le développement de solutions pour améliorer la productivité (62%).
La polyculture-élevage, agriculture de précision ou agro-écologie : quel(s) axe(s) de développement pour l’agriculture française ?
Pour aller de l’avant, les agriculteurs souhaitent qu’une série de mesures soient prises pour soutenir positivement le développement de l’agriculture française et leur permettre de mieux vivre de leur métier.
Concernant l’aspect technique, 60% des agriculteurs veulent redonner plus d’importance au système de polyculture-élevage, un chiffre qui s’élève assez naturellement à 74% chez les éleveurs. L’amélioration de la compétitivité grâce aux nouvelles technologies et l’agriculture de précision, souhaitée par près d’un agriculteur sur deux (48%), est également une mesure phare, notamment en grandes cultures (59%). Le développement des pratiques agro-écologiques arrive en 3e position des stratégies à adopter (46%), et ce quelles que soient les exploitations. Le développement des produits de biocontrôles est quant à lui souhaité par plus d’un quart des agriculteurs (28%).
74% des éleveurs souhaitent redonner plus d’importance au système de polyculture élevage.
Pour accompagner ces évolutions, plusieurs mesures économiques sont également souhaitées par les agriculteurs du pays. Ainsi, la grande majorité (80%) propose de taxer les importations de produits qui ne respectent pas les mêmes normes qualité et environnementales. Les attentes sont également fortes pour une meilleure répartition de la valeur au sein des filières de distribution : ainsi, 64% des répondants souhaiteraient fixer les prix de vente en fonction des coûts de production. De même, 44%souhaiteraient plus de transparence sur la redistribution des gains aux producteurs.
Un accompagnement au changement plutôt qu’un soutien financier, la solution pour une agriculture pérenne
59% des agriculteurs en grandes cultures souhaitent que l’amélioration de la compétitivité passe par les nouvelles technologies et l’agriculture de précision.
Les attentes sont donc grandes, notamment vis-à-vis des acteurs de la filière agricole (fabricants, fournisseurs, etc.), pour évoluer vers une agriculture plus pérenne. Le développement par les fabricants de solutions ou produits innovants plus naturels, constitue l’attente la plus forte, pour 47% des agriculteurs interrogés. 43% d’entre eux voudraient quant à eux une agriculture de précision plus accessible, et 35% attendent un réel accompagnement au changement par les conseillers techniques.
« Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les agriculteurs souhaitent moins un soutien financier qu’un accompagnement au changement par leurs conseillers techniques ou par l’innovation, conclut Laurent Depouilly, Directeur Général d’Ipsos Lyon et de la division Agriculture chez Ipsos.
* Sondage réalisé auprès de 308 agriculteurs via la plateforme AgriAvis en décembre 2017.