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Est-il vrai qu’1% des fermes produisent 50% des œufs , du porc, et de la volaille en France comme le dit Greenpeace?

GreenPeace veut dénoncer l’industrialisation des filières porcine et avicole en se basant sur les chiffres des ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique et solidaire. Sa présentation est trompeuse.

Bonjour,

Le 26 novembre, Greenpeace publie un rapport affirmant que «1 % des fermes françaises produisent plus de la moitié des porcs, poulets et œufs produits en France». La phrase n’est pas factuellement fausse, mais elle est trompeuse et peut être mal comprise.

En effet, pour arriver à ce résultat spectaculaire, Greenpeace se base sur le total des fermes (437 000 en 2016)… y compris celles (qui représentent une écrasante majorité des exploitations) qui ne produisent pas d’oeufs, de porc ou de volaille.

Ainsi, les fermes produisant du porc ou de la volaille ne représentaient que 5 %du total des exploitations en 2016.

Pour arriver à un si faible pourcentage, GreenPeace a ainsi expliqué à CheckNews s’être basé sur des données 2017 du ministère de l’Agriculture, compilées dans le document GraphAgri. Le site Agreste donne la version mise à jour en 2018 de ces chiffres mais l’ordre de grandeur reste le même.

Ainsi, selon les données 2017 utilisées par GreenPeace, dans la filière porcine, les 2100 exploitations de plus de 20 000 têtes fournissent 61 % de la production française. De même, les 2392 fermes de plus de 20 000 poulets produisent 67 % de la viande du secteur. Enfin, les 378 sites accueillant plus de 20 000 poules pondeuses produisent 73 % des oeufs.

Au total, ces 4870 (2100+2392+378) fermes produisent bien plus de 50% du porc, de la volaille et des oeufs,  et représentent bien 1,1% du total des fermes françaises (environ 440 000 exploitations).

Si l’on décide en revanche de mesurer la concentration de la production de la volaille, du porc ou des oeufs, en se limitant aux exploitations qui en produisent, on arrive au résultat suivant : 12% des exploitations fournissent 61 % de la production de viande porcine. Dans le secteur de l’aviculture, 26 % des fermes produisent 67 % de la viande, et 73 % des oeufs proviennent de 18 % des sites.

GreenPeace explique avoir voulu se rapporter au nombre total d’exploitations françaises pour dénoncer à la fois la spécialisation et l’intensification des exploitations dans filières porcine et avicole. Mais cette présentation est donc trompeuse pour qui lit rapidement.

Une autre polémique

Ce rapport a été au centre d’une autre polémique. Il s’accompagnait d’une carte interactive recensant « 4413 fermes usines sont réparties dans 2340 communes françaises, comprenant les Outre-mer» les selon la base de données du ministère de la Transition écologique et solidaire.

La FNSEA s’est insurgé contre cette pratique qu’elle assimile à de la «délation». «Comment qualifier la dénonciation publique d’agriculteurs qui exercent leur métier dans les règles de l’art au seul motif que la taille de l’exploitation ne correspond pas à la vision qu’a Greenpeace du “modèle agricole” ?», demandait le syndicat.

Le 28 novembre, GreenPeace a publie la mise à jour suivante:

«Suite à des retours sur les données présentées dans notre carte des fermes-usines, nous sommes actuellement en train de recenser les modifications à apporter. Il se peut que le fichier qui nous a été transmis par le Ministère de la Transition écologique et solidaire le 7 novembre 2018 ne soit en réalité pas à jour. Nous sommes en train de vérifier. Nous vous ferons part des changements effectués dans la partie “Méthodologie”.»

Le 4 décembre, l’association publie un nouvel erratum. «Il semblerait que ces données ne soient pas à jour, ce qui nous a amené à désactiver pour le moment la fonction de recherche par commune. Nous présentons toutes nos excuses aux agricultrices et agriculteurs dont la ferme s’est retrouvée sur cette carte alors qu’elle n’aurait pas dû y être, et qui se sont senti.e.s injustement pointé.e.s du doigt

Pour accueillir plus d’un certain nombre de bêtes sur son site, les exploitations doivent demander une autorisation appelée ICPE (pour Classées pour la Protection de l’Environnement). Le site du ministère de la Transition écologique et solidaire recense les arrêtés préfectoraux donnant ces autorisations.

Les seuils concernés sont de plus de 750 pour les truies, plus de 2000 pour les porcs de production, plus de 40 000 emplacements pour les volailles, plus de 400 vaches laitières et plus de 800 animaux pour les élevages de veaux de boucherie et/ou bovins à l’engraissement. L’association a reçu des retours d’agriculteurs dont la ferme se trouvait sur leur carte sans atteindre ces seuils dans la réalité. Ces retours, nombreux, ont poussé l’ONG à désactiver la recherche fine sur leur carte le temps d’effectuer des vérifications.

Selon GreenPeace, cette mésaventure démontre «qu’aucune structure publique n’est aujourd’hui en mesure de donner aux citoyen.ne.s une liste fiable des structures dépassant véritablement les seuils des ICPE soumises à autorisation, et donc une vision claire et précise de ce à quoi ressemble l’élevage industriel en France. Cette opacité est inacceptable».

Cordialement

Olivier Monod

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