Deux gros élevages de poules pondeuses veulent faire leur nid en Flandre

La société Flandr’œufs, à Warhem, projette de passer de 144 860 à 302 820 poules pondeuses. À Pitgam, la SCEA Dutertre envisage la construction d’un élevage de 106 938 volatiles. Le secteur de l’œuf évolue : dans le Nord, il semble s’inspirer de ce qui se fait chez les voisins belges et néerlandais. Décryptage.

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Deux projets quasi simultanés

À Warhem, l’enquête publique est terminée et le conseil municipal a voté en faveur du projet, ce jeudi soir. Ne manque plus que l’avis du préfet. À Pitgam, l’enquête publique se déroulera entre le 15 novembre et le 15 décembre, et le dossier est déjà consultable sur le site de la préfecture (lire ci-dessous). Le premier projet donnera naissance à un élevage de 302 820 poules pondeuses, le second envisage d’en abriter 106 938.

Des œufs « de catégorie 2 »

Les deux élevages ont opté pour le même système de production, l’élevage au sol, pour lequel les normes de bien-être imposent un maximum de 9 poules au m2. Les poules vivent dans des volières dotées de trois niveaux, avec nid et perchoirs, mais sans accès à l’extérieur. Elles pondent des œufs vendus en catégorie 2*. «  Ce système est peu développé en France, où il pèse 5,5 % de la production, mais c’est ce qu’on trouve à plus de 85 % en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique  », éclaire Maxime Chaumet, secrétaire général de l’interprofession des œufs. Pour les professionnels de la filière, l’urgence est de trouver des alternatives à l’élevage en cage, qui fournit actuellement plus de deux œufs sur trois : décrié par les consommateurs, il sera banni, d’ici huit ans, des rayons des supermarchés. «  On n’a pas d’autre choix que d’accompagner la demande d’œufs alternatifs  », estime Jean Carton, patron de Flandr’œufs.

Une demande en augmentation

À Pitgam, le projet prévoit une production de 31,5 millions d’œufs par an, contre plus de 80 millions pour Flandr’œufs, tous destinés au marché français. «  Dans les Hauts-de-France, on produit moins d’œufs qu’on en consomme. Il en faudrait 1,3 milliard par an pour couvrir la demande  », révèle Jean Carton, persuadé qu’il y a encore «  largement la place pour de nouveaux élevages. Dans la région, on a plein d’atouts : un climat favorable, des céréales, des abattoirs, des entreprises agro-alimentaires  ». Le centre de conditionnement qu’il a inauguré à Wormhout peut traiter jusqu’à cinq millions d’œufs par semaine et pour le faire tourner à plein, «  on a besoin de 800 000 poules  », poursuit le chef d’entreprise, qui recherche des éleveurs partenaires, notamment pour les œufs de plein air.

Son élevage à plus de 300 000 poules ne semble donc «  pas inadapté, bien au contraire. Et pas si démesuré au niveau mondial : en Chine, on trouve des élevages à 15 millions de poules  ».

* Les œufs de poules élevées en cage sont vendus en catégorie 3 ; ceux des poules de plein air en catégorie 1 ; ceux des poules biologiques et de plein air en catégorie 0.

Le mauvais pari de la poule en cage

La France est le premier producteur d’œufs en Europe, avec 14,3 milliards par an (devant l’Italie et l’Allemagne). 69 % de ces œufs sont issus de poules en cage.

La filière estime à un milliard d’euros les investissements réalisés entre 2010 et 2012 pour mettre aux normes européennes les exploitations qui utilisaient ce système de production. Objectif : améliorer le bien-être des poules. « Maintenant, dans les cages, il y a des perchoirs, un nid, une zone de grattage et de picorage, et on est passé de 550 cm2 par poule à 750 cm2  », détaille Maxime Chaumet, secrétaire général de l’interprofession.

Mais la pression des consommateurs a eu raison de la cage, en début d’année : la grande distribution, par le biais de ses principales enseignes, a annoncé qu’elle ne commercialiserait plus d’œufs issus de tels élevages à l’horizon 2025. Les agriculteurs concernés, eux, continuent à rembourser les emprunts. Comme Jean Carton, à Warhem. «  En 2012, en France, on croyait beaucoup à la cage, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne. L’avenir nous a donné tort  », reconnaît-il. Sa production actuelle fonctionne avec ce système «  et il était hors de question de tout démonter. On veut déjà développer l’élevage au sol, ensuite on verra  ».

En chiffres

Nous mangeons en moyenne 220 oeufs par an. Photo archives Christophe Lefebvre.

220 : la consommation moyenne annuelle d’œufs par personne, en France, en légère hausse ces dernières années.

2 900 : le nombre d’élevages de poules pondeuses en France.

47 % : la part d’œufs achetés par les ménages. 40 % sont consacrés aux ovoproduits, tandis que 9 % sont vendus à la restauration hors domicile, et 4 % en autoconsommation.

2025 : date à laquelle la grande distribution cessera de vendre des œufs de poules élevées en cage.

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