Les molécules présentes dans ces oeufs sont 100 fois moins chères à produire que celles produites en laboratoire.
Atlantico : Des scientifiques de la société Roslin Technologies, à Edinbourg, ont créé des poules génétiquement modifiées dont les oeufs permettent de lutter contre l’arthrite ou contre certains cancers. Selon les chercheurs responsables de ce projet, les médicaments produits seraient 100 fois plus économiques que ceux créés en laboratoire. En quoi consiste ce projet d’élevage d’animaux génétiquement modifiés ?
Hervé Seitz : Les médicaments sont des protéines qu’on peut synthétiser chimiquement dans des cuves à essai. C’est très coûteux. Depuis longtemps, la méthode la plus simple, économique, c’est d’utiliser des êtres vivants en leur fournissant l’ADN qui contient la séquence qui code pour la protéine, on le rentre dans une cellule végétale, animale,et la cellule se met à fabriquer cette protéine au même titre qu’elle fabrique ses propres protéines. Cela donne des protéines de très bonnes qualités et ça ne coûte rien. Il faut juste fabriquer l’ADN. Depuis longtemps on sait que la production de protéines est beaucoup plus économique avec des systèmes vivants. Il existe aussi la culture cellulaire avec des cellules humaines mais le coût est prohibitif. Avec des animaux de ferme, des poulets ici, c’est beaucoup plus économique à mettre en oeuvre. Il n’y a pas besoin de laboratoire stérile, etc.
Peut-on envisager une généralisation de ces médicaments made in OGM ?
Tous les médicaments de protéines sur le marché sont déjà faits dans des OGM, bactéries ou cellules à culture, pas des bestioles sur pattes. D’après les chercheurs, la technique va pouvoir se généraliser à beaucoup de protéines, je ne vois pas de réserves. Je pense que la technique va se généraliser.
A-t-on actuellement le recul nécessaire pour juger les risques potentiels sur la santé ?
Du point de vue des patients traités avec ce médicament-là, j’ai du mal à imaginer comment ça pourrait être plus dangereux que ce qu’on fait déjà. Evidemment, comme toujours, les cellules ou les œufs qui produisent la protéine produisent leur protéine. Il s’agit de purifier la protéine de l’œuf, pour ne pas avoir des bactéries qui pourraient provoquer des réponses chez le malade. Mais ce sont des techniques qu’on utilise déjà. Le risque serait donc dû à une impureté. Pour l’environnement, honnêtement il y a peu de chances. Les risques liés aux OGM sont des risques de propagation d’OGM dans la nature, notamment les plantes résistantes aux herbicides. S’il y a hybridation elles vont pousser dans des champs. Ici si des poules OGM qui s’échappaient dans la nature elles n’auraient aucun avantage spécifique par rapport aux autres poulaillers. Le fait de produire des œufs protéinés ne les rend pas plus résistantes.
Les animaux génétiquement modifiés sont soumis à des normes sévères, notamment en ce qui concerne leur consommation. A quelles restrictions seraient confrontés les traitements issus de ce procédé ?
Pour qu’un médicament ait l’autorisation de mise sur le marché il doit passer des tests pendant des années. Il faut montrer son effet sur un patient malade un non malade, ce qui implique de recruter des cohortes de volontaires. Il peut se passer dix ou vingt ans avant la commercialisation d’un tel médicament. C’est un passage obligé. Une fois que le législateur aura approuvé le premier médicament, peut-être les méthodes de purification seront bien établies, elles seront généralisées à d’autres et les autorisations seront plus faciles. Cette compagnie vient de faire une publication sur des œufs de poules. Il l’avait déjà fait avec du lait de vache, de brebis, de chèvre, avec un profil similaire: des animaux transgéniques, avec du lait qui produisait des protéines. Cela posait quelques problèmes puisque ce lait était très riche en lipides et qu’une étable, une écurie sont plus coûteux à entretenir qu’un poulailler. Les œufs de poule sont plus pratiques à travailler, il y a moins de lipides, et l’entretien est plus économique. A partir du moment où il y a une grande quantité dans un poulailler, ils sont sensibles aux infections. Dans l’élevage pour alimentation, ils sont shootés aux antibiotiques. Dans ce cas-là, les échelles sont plus petites et on peut s’abstenir de faire ça. Il y a des vétérinaires en permanence. Si ça se généralise, il y aura peut-être des gens pour baisser les coûts, en mettant 50 000 poulets dans un hangar. Se posera alors le problème des épidémies et ils seront peut-être tentés de les traiter avec des antibiotiques.