Coronavirus. De la ferme à l’hyper, l’œuf aliment de base sous tension

L’œuf est plébiscité par les familles pour tenir le siège face au coronavirus. Ses ventes explosent depuis la mi-mars 2020. La filière est sous tension.

2 000 éleveurs de poules pondeuses produisent 15 milliards d’œufs par an : la France est leader en Europe.
2 000 éleveurs de poules pondeuses produisent 15 milliards d’œufs par an : la France est leader en Europe. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

Plein air, Label rouge, bio, pondu en cage… Toutes les catégories d’œufs ont connu un pic de leurs ventes dans le contexte de couvre-feu sanitaire imposé par la lutte contre le coronavirus. Depuis les couvoirs jusqu’aux magasins, la filière se mobilise pour répondre aux besoins. Elle y parvient, mais des grains de sable perturbent son fonctionnement.

Les ventes d’œufs flambent

Une ruée. Des rayons dévalisés. Les boîtes cartonnées alvéolées renfermant les œufs coquilles ont disparu des rayons, à plusieurs reprises, depuis la mi-mars. Les principaux opérateurs de la filière (LDC, Avril…) font état d’une hausse de leurs volumes de ventes allant de + 30 à + 60 %.  Il y a eu des ruptures de stock. Pour les combler, les distributeurs ont fortement augmenté leurs commandes , précise Maxime Chaumet, directeur du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO).

L’industrie agroalimentaire a aussi accru ses achats d’œufs pour augmenter ses fabrications de pâtes, viennoiseries et biscuits, stockés en masse par les consommateurs. Ce surcroît d’activité compense la perte partielle du débouché de la restauration hors domicile, tenue de tirer le rideau.

Les centres d’emballage saturés

La filière française de l’œuf, la première en Europe, avec ses 15 milliards d’œufs par an, tient le choc. Dans la mesure du possible, les œufs qui étaient destinés à la restauration hors domicile, sont réaffectés à la vente au détail. Cette réorientation des flux commerciaux apporte de la souplesse à  une filière en surchauffe , analyse Philippe Juven, président du CNPO.  Nos six centres d’emballages sont saturés et tournent à bloc. On fait face mais c’est une vraie situation de crise , décrit David Cassin, directeur qualité de la filière œuf du groupe Avril (marques Mâtines et Mas d’Auge).

À La Bazoge (Sarthe), la société Lœuf, filiale du groupe LDC (marques Loué et Le Gaulois), fait face. Son centre de conditionnement (200 salariés), modernisé par 15 millions d’investissements et renforcé par l’embauche de 65 personnes en 2018 et 2019, trie et emballe 12 millions d’œufs chaque semaine.

Mesures sanitaires renforcées en élevage

Appliquant de très strictes mesures de biosécurité contre la grippe aviaire, les élevages ont encore renforcé les mesures d’hygiène.  Nous désinfectons les poignées ainsi que le matériel. On se tient à distance les uns des autres , indique Philippe Juven, dont l’exploitation emploie deux salariés. Les vides sanitaires entre deux lots de volailles vont être réduits. Sinon, pas de conséquence particulière dans les fermes.  Une poule, même si on lui donne le double de ration, ne pondra pas deux œufs par jour ! , plaisante Yves de La Fouchardière, directeur des Fermiers de Loué.

Le ramassage des poules pondeuses perturbé

Les entreprises prestataires de services, chargées d’enlever les poules pondeuses en fin de carrière à destination de l’abattoir ou encore de vacciner les volailles, se disent asphyxiées sous les contraintes administratives. Impossible pour ces petites structures de fournir pour chaque chantier, chaque déplacement, chaque travailleur les attestations nécessaires, renouvelées chaque jour.  La semaine prochaine, avec mes 45 salariés, nous enlevons 600 000 volailles, partout en France, soit 60 camions. Comment fournir 300 attestations par jour ? , s’emporte un chef d’entreprise. Un vrai point de blocage. Trois entreprises ont jeté l’éponge dans la Drôme.

Les couvoirs en difficulté

Des chantiers de construction de poulaillers sont stoppés à cause du confinement. Conséquence :  Des organisations de producteurs ont annulé des commandes de lots de poulettes. Potentiellement, une rupture d’approvisionnement pourrait se ressentir en magasin dans quelques mois , redoute Patrick Masson, accouveur à Loudéac.

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