Comment faire du tri dans le bio ?

Stand de fruits et légumes bio emballés dans un supermarché de Villeneuve-la-Garenne, près de Paris, le 7 décembre 2016. Photo Thomas Samson. AFP

La défiance pointe son nez chez les consommateurs de bio, déroutés par une industrialisation croissante. Quelques règles de base permettent de trouver les produits en accord avec les principes de la bio.

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Nitrites dans la charcuterie, intensification des élevages, importations massives, standardisation des produits, pression sur les prix, suremballage, marketing outrancier… Pour répondre à l’essor de la demande, les pratiques des industriels habitués au conventionnel infusent côté bio. La présence de pesticides dans certains légumes et fruits bio a fini de jeter le trouble. Alors, à qui se fier ?

En France, pour être estampillé «bio», on doit respecter le cahier des charges du label AB. Les OGM et les pesticides sont bannis mais il reste une certaine marge de manœuvre. Un agriculteur bio, dans des conditions exceptionnelles, peut utiliser des produits chimiques, certains additifs sont autorisés mais leur liste et les seuils admis sont plus limités et enfin les éleveurs peuvent donner des antibiotiques, mais seulement à titre curatif et pas plus d’une à trois fois par an selon l’espèce. Si l’on se contente de suivre le cahier des charges AB au sens strict, «le bio peut être aussi industriel, aussi hygiénisé, aussi brutal avec l’animal que l’industrie en laquelle on ne croit plus», pointe Frédéric Denhez dans Acheter bio ? A qui faire confiance.

Les marques Demeter et Nature & Progrès sont plus exigeantes et contraignantes. Elles veillent à proposer des produits correspondant à la bio, cette «philosophie exigeante de respect des hommes, des races, des variétés, des sols, de l’eau, des arbres, des haies, des zones humides, des écosystèmes», rappelle Frédéric Denhez dans son livre. Une vision plus globale qui proscrit l’importation et prend davantage en compte l’impact environnemental et social.

Limiter les intermédiaires

Un «bon» aliment bio est idéalement de saison, en circuit court et le moins transformé possible. Si le label AOP ou AOC figure sur l’emballage, c’est en plus le signe que le produit est de terroir. Les Amap (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), la vente directe à la ferme et les bons vieux marchés restent la solution optimale. Ils donnent accès à du bio local, de qualité, le lien social en plus. En cas de doutes, on peut cuisiner le producteur sur ses pratiques.

Acheter du bio dans un grand supermarché, c’est s’exposer aux logiques de la grande distribution. Quant aux magasins spécialisés, ils se font petit à petit gober par les poids lourds. Naturalia appartient à Monoprix, propriété du groupe Casino, un géant japonais a récemment acquis une part conséquente de Bio c’Bon et Intermarché détient 16% du capital des Comptoirs de la bio, comme le note un article de Checknews. Les sociétés Biocoop et Biomonde sont indépendantes. Dernière option : les groupements d’achat. Ce qui permet d’être directement en contact avec les fournisseurs et de faire des économies.

Privilégier les produits bruts

Dans tous les cas, consommer des tomates bios en hiver a aussi peu de sens qu’en conventionnel. Elles sont importées et donc plombées par un plus gros bilan carbone. C’est aussi le cas en toute saison pour les bananes, fruits exotiques et la grande majorité des agrumes. De même, le bio n’est pas épargné par la colonisation des produits ultratransformés de type céréales petit-déjeuner, faux nuggets vegan ou plats préparés en tous genres. Que les éléments de base soient bios ou pas, ces produits risquent d’être un agglomérat de substances diverses, à grand renfort de sucre, de gras et d’additifs et sont loin de garantir une bonne qualité nutritionnelle. Alors on se retrousse les manches et on prend quelques minutes de plus pour faire soi-même la soupe ou une pizza maison.

Comment éviter de futures dérives ? La nouvelle réglementation du bio européen qui sera mise en place à partir de 2021 devrait acter la limitation de la taille des élevages, notamment des poules pondeuses et de la volaille. Ce n’est pour le moment pas le cas. Autre problème qui pourrait se généraliser : la guerre des prix dans le bio. Synabio, syndicat qui fédère des entreprises souhaitant «porter une vision exigeante de la bio», a dénoncé début 2019 la demande croissante de la baisse des tarifs. «La grande distribution met ses fournisseurs bios sous forte pression», pointe le communiqué, alors même que le prix des matières premières est plus élevé. Tout tirer vers le bas pourrait à terme pénaliser les agriculteurs, dont la rémunération correcte est un des piliers de la bio. Une question soulevée pendant les états généraux de l’alimentation et que le gouvernement dit surveiller de près.

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