Ce mois-ci OVOCOM est à la une de FILIERES AVICOLES ! nous sommes très fiers !

L’interview parle de notre activité et a fait appel à notre connaissance du marché pour éclairer les lecteurs du magazine

Le titre « les grands élevages en sursis » est un raccourci qui ne reflète pas exactement notre point de vue!

Bonne lecture!

“Les grands élevages en sursis”

À la tête d’Ovocom depuis 17 ans, Patrick Jouault opère une veille sur le marché de l’œuf à travers son site ovocom.fr qui lui a permis de développer une véritable expertise. Pour Filières avicoles, il revient sur la crise du fipronil et nous fait part de ses observations sur la filière.

Sur votre site Internet, vous analysez régulièrement le marché de l’œuf, que pouvez-vous dire de l’évolution actuelle de la filière ?

Il faut remonter à la crise du Fipronil qui a eu lieu l’été dernier. Avant cette crise, le marché avait entamé une mutation, qui paraît encore aujourd’hui inéluctable, à savoir une transition des productions cage vers les productions alternatives de code 1 et 2. Le sujet préoccupait alors tous les acteurs de la filière. Arrive ensuite la crise du Fipronil au mois d’août. Pendant la crise, la production d’œufs et ses défauts ont été mis en avant. Nous avons tous craint alors de voir le marché s’effondrer. Or, c’est bien le contraire qui s’est produit puisque dès septembre, les œufs ont commencé à manquer et les cours à s’affoler. Cela perdure encore aujourd’hui. On atteint d’ailleurs des sommets, puisque nous avons enregistré cette semaine le cours le plus haut que j’ai connu depuis que je suis dans le métier. À 2 euros le kilo, voire plus si les choses continuent, les cours de l’industrie rattrapent ceux atteints en 2012.

Cette situation traduit un grand déséquilibre, d’une part de la production, et d’autre part des prix. La filière a sûrement des difficultés à absorber de tels niveaux de prix, mais on constate encore une fois qu’on ne peut jamais aller contre le marché.

Par ailleurs, cet évènement nous a fait un peu perdre de vue la transition inéluctable du code 3 vers les codes alternatifs. Elle redonne du tonus aux éleveurs cage en leur permettant d’amortir plus rapidement leurs bâtiments, mais les amène aussi à spéculer sur la durée de vie de l’œuf cage.

L’affaire du Fipronil aura-t-elle des conséquences sur la filière française à long terme ?

Je n’en ai aucune idée, car je pense que la crise du Fipronil a été très mal gérée aussi bien sur le plan politique que médiatique. C’était un dérèglement important et il a été mis sur la place publique sans aucune limite. Certes, en France, nous avons bénéficié de cette situation, contrairement à d’autres pays, mais les conséquences viennent aussi des efforts qui ont été fournis par la profession. Je pense en effet que les efforts réalisés par les producteurs en termes de bien-être animal, d’antibiorésistance  sur les plans sanitaires , environnementaux et qualités du produit n’ont pas assez été médiatisés. En revanche, on a beaucoup trop parlé de la crise qui était de mon point de vue un sous-évènement.

Pensez-vous que la hausse des cours se maintienne longtemps ?

Je n’aurais jamais imaginé que cette crise nous amène à la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Dans le métier, quand tout va bien on croit que cela durera toujours. Même chose quand cela va mal. Sauf qu’il y a toujours un moment où le marché reprend ses droits. Impossible de savoir encore quand. Cela dépendra de plusieurs éléments, notamment le repeuplement des poulaillers vides chez nos voisins belges, néerlandais et allemands. Nous risquons aussi de voir une modification de l’utilisation des ovoproduits et des produits à base d’œufs. On peut aussi très bien se passer de manger des gâteaux et des brioches, si ces produits sont trop chers ou qu’il n’y en a plus dans les rayons. Le marché devra d’une manière ou d’une autre retrouver un équilibre. Je pense pour cela qu’il faut attendre le printemps prochain.

Quel avenir présentez-vous pour les élevages cage ?

Il y a deux façons de voir les choses : la façon avant l’été 2017 et la façon euphorique actuelle. Je pense qu’il faut garder la tête froide et se rappeler quelle était la situation avant la crise du Fipronil. Le rouleau compresseur de l’élevage alternatif et de la demande du consommateur est toujours bien présent. Nous n’y pouvons rien et il faudra s’adapter. Heureusement, la filière œuf, en particulier française, s’est toujours adaptée à aux changements, en particulier aux  normes bien-être et à la demande des consommateurs.

En revanche, la situation actuelle a plusieurs conséquences. D’abord, elle redonne quand même confiance dans la cage. D’autant plus que ce sont essentiellement des élevages alternatifs qui ont été touchés par l’affaire du Fipronil. La France a d’ailleurs été mêlée à cette crise, car elle n’avait pas assez d’œufs alternatifs et se fournissait en Belgique ou aux Pays-Bas. Cet épisode va donc sans doute redonner un peu de tonus à l’élevage cage. Malgré tout, la transition vers l’alternatif est embrayée et la production va suivre.

Pensez-vous réellement que le consommateur fasse la distinction dans l’affaire du Fipronil entre les élevages alternatifs et la cage ?

Je ne pense pas. Les médias, quelles que soient les tendances du marché, sont un élément décisif. Quand les médias s’emparent du bien-être animal, appuyant le discours des sociétés protectrices des animaux, le consommateur y est sensible. Quand on ne lui en parle plus, il oublie. La situation est essentiellement médiatique. Les pouvoirs publics ne s’y intéressent que quand les médias s’y intéressent et les utilisateurs d’œufs qui, la main sur le cœur, proclament qu’ils n’utiliseront plus d’œufs en cage entre 2020 et 2025 sont dans la démagogie.

Ce discours n’est-il pas encouragé par la distribution ?

Oui, le dernier en date c’est Nestlé, qui annonce qu’à partir de 2025, il n’aura plus d’œufs de poules en cage dans ses produits. De 2020, on passe à 2025. Et quand l’annonce a été faite, elle n’a pas fait grand bruit, car ce n’est plus le sujet. Par contre, en début d’année, quand les chaines de distribution Carrefour, Intermarché, Leclerc, Auchan et Casino ont toutes annoncé qu’elles retireraient les œufs cage avant 2020, l’information a été très relayée et les consommateurs étaient sensibles au problème.

Ces annonces correspondent quand même à une évolution de la demande et ne sont pas le simple fait d’un coup de projecteur médiatique.

Oui, malgré tout, cette transition est inévitable. Pour la production et ses intermédiaires, un élevage alternatif est plus présentable qu’un élevage de poules en cage, même si depuis 2012, avec les cages nouvelles normes à 750 cm2 par place , les poules sont nettement plus présentables.

Aujourd’hui, on voit fleurir des bâtiments d’élevages catégorie 2 de très grande taille (100 000 à 300 000 pondeuses), notamment dans le Nord, avec des volières ; ces projets ne risquent-ils pas de dévaluer l’image de l’élevage au sol vis-à-vis des consommateurs ? 

Le consommateur n’a que l’information que l’on veut bien lui donner. Si on lui dit que la poule est plus heureuse dans un élevage en volière, il croit ce qu’on lui dit. Je veux bien le croire aussi sauf qu’on est toujours dans l’élevage intensif, que ce soit cage ou volière, et même pour les poulaillers plein air de 40 000 ou 50 000 poules. Ce n’est certainement pas ce qui va satisfaire les détracteurs de l’élevage, notamment l’association L214, qui, une fois qu’elle en aura fini avec les cages, pourrait bien s’attaquer à la production d’œufs  quelle qu’elle soit.

Ces grands élevages sont-ils donc en sursis ?

C’est un risque, mais les groupes de production ont pris ce virage. Je vois mal les choses revenir en arrière. Ces élevages vont donc faire partir du paysage. Et si la situation actuelle du marché est une bouffée d’oxygène pour les producteurs cage, qui ont des installations à amortir, ceux-ci bénéficient seulement d’un sursis.

Cette situation va faire perdurer un peu plus la production d’œuf cage et va aussi donner les moyens à la production d’investir dans de nouvelles installations.

Peut-on encore parler d’œuf alternatif pour ces grands élevages ?

Tout dépend ce que l’on met derrière alternatif. De toute façon, ce sont les mêmes groupes de production qui encadraient et encourgeaient les éleveurs à investir dans des ateliers de code 3 en 2011, 2012 et qui les encouragent aujourd’hui à investir dans  les ateliers de code 2, 1 et 0 aujourd’hui. Ce sont essentiellement les fabricants d’aliments.

En revanche, ceux que l’on ne voit pas monter et qui représentent aussi à mon avis un danger pour la filière, ce sont les très petits élevages de 500, 600 pondeuses qui font de la vente directe et qui se développent à proximité des grandes villes. Ces élevages auront un vrai visage alternatif !

Pensez-vous que ces petits élevages aient un poids suffisant pour déstabiliser le marché ?

Je crois surtout que les consommateurs qui recherchent vraiment l’alternatif et le bien-être animal iront sur ces marchés de proximité, mais cela ne peut pas toucher la masse de la population qui aura toujours besoin des grandes filières. Donc a mon avis, notre filière a encore beaucoup de beaux jours devant elle.

Retrouvez l'interview complet dans le magazine Filière Avicole de décembre 2017.

Du changement à la tête de l’entreprise 

Créée le 2 novembre 2000, Ovocom est spécialisée dans le négoce d’œuf  de poules code 3, avec la commercialisation de 200  millions à 300 millions œufs par an. Patrick Jouault, fondateur et dirigeant de l’entreprise depuis 17 ans, s’apprête à passer le flambeau à Valérie Tranvouez, sa collaboratrice  de 1991 à 2000 lors de la création du bureau de vente œufs de la coopérative du Gouessant, et depuis Novembre 2000 lors de la création d’Ovocom. Cependant, pas question de quitter le navire pour ce passionné qui au fil de sa carrière a développé une véritable expertise du marché. « Je continuerai de collaborer tant qu’elle me demandera de le faire », souligne-t-il.

Ensemble, ils ont pour objectif de conserver leur place sur le marché de l’œuf cage, mais également de se développer sur celui de la production alternative. « Notre fonds de commerce concerne pour moitié l’industrie et pour moitié les centres de conditionnement avec une petite part sur l’export vers d’autres pays de la communauté européenne », précise-t-il.

Mais leur ambition première reste d’accompagner les éleveurs en code 3. « Nous savons que nous avons une place sur l’œuf cage, puisque tous les grands groupes font évoluer leurs cheptels vers l’alternatif. C’est un produit dans lequel nous avons confiance. Je l’ai vu évoluer depuis que je suis dans ce métier. Je connais le professionnalisme des éleveurs, je sais tous les efforts qui ont été réalisés en matière sanitaire et bien-être animal », ajoute-t-il.

Ovocom défend d’ailleurs les atouts de la cage, là où on ne les attend pas toujours « La cage est censée avoir tous les défauts sur le plan du bien-être animal, mais c’est faux. Même si médiatiquement cela ne passe pas, la cage a son mot à dire en termes de bien-être animal. De même sur le plan environnemental, en particulier empreinte carbonne un poulailler avec 100 000 poules est plus adapté qu’un poulailler de 20 000 poules, si l’on prend en compte par exemple le nombre de camions qui transitent par l’élevage ».

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