Bretagne. L’oeuf industriel bat de l’aile

La Bretagne est, de loin, la première région productrice d’oeufs en France. Le podium national est d’ailleurs sans partage : 1. Côtes-Armor, 2. Morbihan, 3. Finistère tandis que l’Ille-et-Vilaine occupe la sixième place. C’est dire si la région est particulièrement concernée par les événements qui ont secoué ce secteur d’activité avec la charge menée par l’association L24 contre les élevages en batteries, l’affaire du Fipronil qui a jeté le trouble alors que la France n’était pas directement concernée ou encore les décisions, qui se multiplient, de grandes sociétés annonçant qu’elles vont renoncer définitivement à l’oeuf issu d’élevages en cages. Nestlé et toutes les marques que le groupe représente viennent de fixer l’échéance à 2020, emboîtant le pas de distributeurs (Auchan, Carrefour, Monoprix…) ou de marques qui ont déjà lancé le mouvement. Et on sait maintenant qu’il est irréversible et que peu à peu, l’ensemble des industriels et distributeurs vont s’y mettre à leur tour. Les consommateurs sont de plus en plus intransigeants sur cette question et même prêts à y mettre le prix, comme le montre le succès croissant de l’oeuf bio ou des poulets label.

Contrairement à une idée répandue, la majorité de l’élevage de ponte en Bretagne ne se fait pas en cages. A 51 %, il se fait sur litières en paille et 44 % en cages (source Agreste) mais quand on sait que 42 % du cheptel national de poulets se trouve en Bretagne, et 22 % pour le seul département des Côtes-d’Armor, on imagine l’incidence financière de l’adaptation s’il faut passer à 100 % d’oeuf alternatif, au sol, en plein air, bio ou label.

Les éleveurs qui pratiquent en batteries ne l’ont pas fait par goût personnel mais généralement sous la double pression d’industriels et distributeurs qui mettent une telle contrainte sur les prix qu’elle relève du couteau sous la gorge. Prix minimum, rendement maximum. C’est ça ou la clef sous la porte. Mais sous la pression des consommateurs, les mentalités évoluent vers un meilleur bien-être des poules de ponte ou de chair, sauf qu’au bout de la chaîne ce sont les éleveurs eux-mêmes qui sont encore les dindons. A eux de s’adapter et on sait qu’ils ne pourront pas le faire, après avoir déjà consenti des investissements pour se mettre aux nouvelles normes.

Combien coûterait une transformation totale des poulaillers pour passer à l’oeuf alternatif ? 500 millions d’euros a calculé l’interprofession. Si on se réfère au poids de l’élevage breton, il faudrait donc compter plus de 200 millions d’euros. On ne voit pas comment les éleveurs pourraient seuls financer la transition sans que distributeurs et industriels y apportent leur quote-part. Ce serait logique mais les échos sortant des Assises nationales de l’alimentation, actuellement en cours, montrent une fois encore que le consensus n’est pas la vertu la plus répandue dans l’Hexagone.

René Perez

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