100 % d’œufs en plein air en 2022 : “ C’est intenable ”

Picto-Charentais, le représentant national de la filière s’inquiète de l’annonce faite par le ministre de l’Agriculture. Un sujet sensible dans le Poitou.

Président du Syndicat national des industriels et professionnels de l’œuf et président de la commission communication du Comité national pour la promotion de l’œuf qui rassemble l’ensemble de la filière, Loïc Coulombel est aussi directeur de l’usine de transformation d’œufs Liot de Pleumartin (Vienne). Il s’alarme de la volonté affichée par le gouvernement la semaine dernière d’interdire la commercialisation en magasin d’œufs dits coquilles qui n’auraient pas été pondus par des poules élevées en plein air. Et ce dès 2022.
Comment la filière va-t-elle s’adapter à cette nouvelle règle en trois ans ?
« Elle n’est pas capable de s’adapter en aussi peu de temps. C’est intenable. Sauf si l’État sort le carnet de chèques. Cela ne correspond pas à l’engagement pris par le président de la République lorsque nous l’avons rencontré pendant la campagne électorale, l’an dernier, au Salon de l’agriculture. »
“ Pas d’un coup de baguette magique ”
« On se demande surtout à quoi ont servi les États généraux de l’alimentation… On aurait mieux fait d’aller à la pêche ! »
Qu’avait-il alors été prévu ?
« L’objectif dont nous étions convenus était d’atteindre au minimum 50 % d’alternatif (plein air, Label rouge et bio) d’ici 2022 sur les 14,7 milliards d’œufs produits chaque année. Nous ne sommes qu’à 32 % aujourd’hui. Là, le gouvernement voudrait placer la barre à 70 ou 75 %. Nous sommes conscients des évolutions sociétales mais la transformation ne se fera pas d’un coup de baguette magique. Que vont devenir tous les producteurs qui ont encore des bâtiments à payer et qui ne disposent pas de terrains autour pour passer en plein air ? L’attitude du gouvernement est irresponsable. »
L’interdiction ne s’appliquerait qu’aux œufs dits coquilles. Quelle part de la production totale cela représente-t-il ?
« Un peu plus de la moitié de la production : 47 % dans les grandes et moyennes surfaces et 9 % pour la restauration hors domicile (voir infographie ci-contre). Cela veut dire qu’il faut produire 3,5 milliards d’œufs plein air en plus par an. Je pense que le ministre de l’Agriculture ne s’est pas rendu compte de ce qu’il disait et qu’il s’est mal exprimé. Il a voulu se rattraper aux branches sans se dédire ; il incluait sans doute les élevages dits au sol. »
Ce type d’élevage représente pour vous une bonne alternative aux cages…
« Ce sont les mêmes conditions d’élevage que le plein air avec neuf poules au mètre carré contre 13,3 en cages. En plein air, on ajoute simplement 4 m2 par poule à l’extérieur. Pour le consommateur, le surcoût n’est que de 15 ou 20 % contre 50 % pour le plein air. Cela permet aussi aux éleveurs de convertir facilement les installations existantes en passant des cages au sol. Mais on a encore un problème d’image et de nom. »
A quel nom pensez-vous pour améliorer l’image des œufs de poules élevées au sol ?
« Le plus parlant c’est œuf de grange, comme en anglais. Il y a aussi œuf de volière. On y réfléchit. »

en chiffres

1,3 million de poules pondeuses dans le Poitou

La production d’œufs en France reste concentrée en Bretagne et dans les Pays de la Loire. A proximité immédiate de ce bassin historique, le Poitou se hisse parmi les territoires qui comptent dans la filière. Et pas seulement en raison de la présence de Pampr’oeuf dans les Deux-Sèvres.
Sur 996.072 œufs produits en 2016 en Nouvelle-Aquitaine, 502.439 sont ainsi issus de Poitou-Charentes, selon les chiffres de la direction régionale de l’agriculture. Au dernier recensement agricole de 2010 le Poitou-Charentes comptait 1.517.140 poules pondeuses, dont 1.151.328 dans le seul département des Deux-Sèvres et 200.628 dans la Vienne.
Selon le Comité national pour la promotion de l’œuf, les Deux-Sèvres comptent à ce jour 25 élevages de poules pondeuses (14 en plein air, 7 en cages et 4 bio) et la Vienne 13 (9 en plein air, 3 en cages et 1 bio).
En 2008, les exploitations avicoles de Poitou-Charentes disposaient de 2.500 bâtiments, soit 1,1 million de mètres carrés (dont 84 % dans les Deux-Sèvres) mais 6 % seulement de cette surface étaient dédiés à la production d’œufs de consommation.

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