Bio : à qui va profiter le nouvel or vert?

Un marché qui croît de­ 17 % en un an à plus de ­8 ­milliards­ d’euros, qui dit mieux ? Industriels et distributeurs se ­ruent sur l’or vert.

Bio

Le bio a continué à gagner du terrain en France en 2017, avec un total de 36.664 exploitants, soit 13,5% de plus qu’en 2016, selon des chiffres communiqués jeudi par l’Agence pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique.

Une déferlante. Avec 8,2 milliards d’euros de ventes en 2017 en hausse de plus de 17 %, ce marché est l’un des plus prospères de l’économie. La France devient bio ! Et la décision du gouvernement d’instaurer 50 % de menus bio dans les cantines scolaires, les hôpitaux et les maisons de retraite va accélérer la tendance. ” Ce n’est plus une mode, indique Florent Guhl, le directeur de l’Agence Bio. Nos études montrent un niveau record de la confiance des Français dans les produits bio à 84 %. ” Selon le cabinet d’études Xerfi Precepta, le marché bio pourrait peser une douzaine de milliards d’euros dans deux ans.

Cet irrépressible appétit est renforcé par la succession des scandales alimentaires souvent mal résolus. Oeufs contaminés au fipronil qui se retrouvent dans les rayons, lait infantile de Lactalis contaminé à la salmonelle et vendu comme si de rien n’était par la quasi-totalité des enseignes… Acheter bio limiterait les risques. De même, les Français approuvent massivement l’interdiction prochaine du glyphosate. ” Quels que soient nos convictions et nos arguments, nous devons tenir compte de l’opinion publique qui paraît s’être cristallisée ces derniers mois sur le sujet du glyphosate “, reconnaît Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA. Signe des temps, la patronne du puissant syndicat paysan, elle-même éleveuse de porcs en Mayenne, reste officiellement partisane du modèle agricole productiviste français, mais reconnaît qu’à titre personnel, elle ” achète parfois des légumes bio au marché et les poulets bio élevés par l’un de mes neveux, mais je ne mange pas bio tous les jours “.

Pénurie pour le lait, les oeufs, la viande…

Pour de nombreux agriculteurs, le bio apparaît comme une planche de salut les libérant des aléas des cours mondiaux des matières premières et leur permettant de bénéficier d’aides à la conversion. ” Avec seulement 8 % des fermes françaises et 11 % des emplois agricoles, le bio est encore très minoritaire, indique Florent Guhl. Une montée en puissance rapide est nécessaire. “ Pour l’heure, seules 5,6 % des surfaces agricoles ont été ” converties ” . Si le gouvernement espère arriver à 8 % dans les deux ans, cela ne suffira pas à éviter les pénuries déjà visibles dans plusieurs produits tels le lait, les oeufs ou encore la viande. Bien malin qui peut se fournir en viande de porc bio française aujourd’hui. Soucieux de répondre aux attentes des consommateurs, des industriels comme Herta (groupe Nestlé) s’approvisionnent à l’étranger.

” Il ne faut pas exagérer le phénomène mais la France importe 30 % de son alimentation bio, signale Florent Guhl. C’est assez logique pour les fruits exotiques ou le sucre, mais l’offre doit se densifier dans presque toutes les régions françaises autres que l’Occitanie, la Nouvelle Aquitaine et Paca. ” Il faudra aussi dépasser les inquiétudes de ceux qui s’étonnent que l’on veuille convertir notre agriculture à un modèle dont les rendements sont 20% inférieurs et dont les prix risquent de se faire rattraper à moyen terme par ceux de concurrents moins exigeants en termes de qualité et de main-d’oeuvre.

Nouvelle bataille de la grande distribution

Les conséquences de ce phénomène sont spectaculaires et ne vont pas seulement redessiner le paysage agricole français. Les enseignes de la grande distribution ont décidé d’en faire leur nouveau champ de bataille, après s’être battues entre elles sur les prix bas pendant plusieurs années, pour capter les consommateurs. De quoi perturber des circuits de distribution spécialisés comme La Vie Claire, Biocoop et autre BioCBon, qui, jusque-là, bénéficiaient seuls de la folie bio. Ils risquent de devoir bientôt se contenter des restes.

Idem pour les transformateurs, qui forment une myriade de PME spécialisées réalisant 10 à 40 millions d’euros de chiffre d’affaires. Toutes vont devoir se professionnaliser pour résister à la montée en puissance d’une poignée d’acteurs historiques (Bjorg, Léa Nature, Triballat Noyal) qui chacun réalisent déjà plusieurs centaines de millions d’euros de ventes. Eux-mêmes sont sous le regard envieux des géants de l’agroalimentaire, les Nestlé, Pepsico, Mondelez qui, à l’image de Danone avec Whitewave, rêvent de mettre la main sur des marques vedettes, capables de leur offrir une croissance inespérée sur des marchés qu’ils croyaient mûrs.

UNE ACTIVITÉ EN PLEIN BOOM

Sept Français sur dix mangent bio une fois par mois et plus de neuf sur dix, au moins une fois par an.

Avec la hausse des volumes, les prix des oeufs bio ont chuté dès 2011, avant de se stabiliser.

Le gouvernement veut porter la part des surfaces agricoles bio de 6,5 à 15 % en cinq ans.

ERIC GAILLARD

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